Cela fait bien longtemps que je voulais découvrir cette autrice aux multiples talents (poétesse, musicienne, romancière, essayiste, ...) dont je connaissais un peu la poésie.
Chess et Serena sont en prison où elles se sont rencontrées, et aimées. Chess est incarcérée pour vingt-cinq ans pour avoir tué son compagnon trop violent et Serena pour vol avec violences. Cette dernière bénéficie d’une libération conditionnelle, une nouvelle qui l’effraie autant qu’elle la soulage. Chess, pour tromper sa peine de perdre Serena, retrouve Silver, une professeure de musique qui va lui permettre d’extérioriser tout le talent de la détenue par le biais de chansons. Silver n’est là que pour mettre en avant des textes écrits par la détenue, déjà beaux et travaillés, car Chess a composé pour sa fille si loin d’elle.
La pièce de théâtre découpée en 23 scènes est suivie d’un petit carnet de partitions de chansons composées par Kae Tempest. Poèmes et chansons (de Kae Tempest ou d’autres : Diana Ross, Michael Jackson, Bill Withers, Conroy Smith...) reviennent régulièrement rythmer ce beau texte à la fois très fort et pudique, délicat et violent. Il y a des passages magnifiques comme celui où Chess fait tout pour que Serena vive une vraie vie à l’extérieur, loin des affres de l’univers carcéral, lui demandant de l’oublier, de prendre un chien et de mettre une croix sur sa vie en prison ; celui aussi où Silver doit faire face à la violence explosive de Chess qui finira par se muer en ardeur musicale ; l’acmé de la pièce qui envoie le texte de Chess pour sa fille Kayla en pleine figure des lecteurs/spectateurs ... whaouh !. Une très belle pièce au titre parlant, à lire, à voir ou à jouer (être musicienne me semble être indispensable pour les rôles de Chess et Silver). Je poursuivrai ma découverte de cette autrice qui, on le sent, s’échine à ouvrir toutes les écoutilles de la compréhension humaine, prône la tolérance et l’acceptation de l’autre.
Je ne suis cependant pas sûre de continuer à chroniquer mes lectures théâtre au vu du peu de succès qu'elles rencontrent. (c'est pas grave, hein)
« L’amour m’a mise sous les verrous,
L’amour m’a menottée.
Je ne pouvais pas sourciller,
Je lui appartenais.
Je commençai à croire,
Qu’il était comme un dieu.
Je me suis enfermée pour lui,
J’en ai perdu mes envies.
Une fois le jour venu,
Les sirènes dans la rue –
Et lui en tas à mes pieds étendu.
Il avait l’air si doux tout à coup,
Comme endormi
Couchée à ses côtés
J’ai attendu les condés. [...]
J’ai pris vingt-cinq piges – plus que mon âge,
La première nuit, j’avais compris que je n’avais pas pleuré depuis des années
Pa’ce que mes larmes le mettaient en colère, à présent j’ai pleuré
Chaque nuit pendant un mois, et puis je m’endormais.
Les cinq premières étaient sévères,
Les cinq suivantes un enfer,
Ma gamine grandit
Sans sa mère ni son père »
Serena qui redoute la sortie de prison : « Qu’est-ce que je vais faire ? Jamais gagné de la thune autrement que par les moyens qui m’ont conduite ici. Deux mômes à nourrir et je sais même pas ce qu’ils aiment manger. Dehors, tout est contre moi. Ici, je t’ai toi et tout a du sens. »