Il était une fois, il y a fort longtemps, des enfants conquérants, indociles et indomptables qui vivaient leur existence dans une liberté totale, sans rythme ni obligations. Tout n’était que bonbons, sorbets, jouets, cartes et soda. Ils s’étaient reclus, pour le plus grand plaisir, dans une cabane perchée en haut d’un arbre. Un jour cependant, le terrible Grindle, un adulte capable, d’une seule pichenette, d’adultiser et d’adolescentiser les enfants, brisa ce bel équilibre joyeux. C’est Béa Wolf, une intrépide combattante, haute comme trois pommes qui va mener la rébellion contre Grindle et protéger ainsi la « cabane de cœur-d’arbre » et tous les enfants.
Quelle réussite que cet album !! Empli de délicatesse, intelligent, drôle, subtil, il reprend le mythe de Beowulf (je ne sais pas trop en quoi parce que je ne connais que de nom) pour en faire une épopée d’enfants et nous dépayser complètement. La révolution en pyjama est douce mais déterminée, certains passages sont très drôles (ma fille a beaucoup aimé cette histoire de légumes volés : « On subtilisa des salsifis dans les souliers, des poireaux dans les poches, des choux de Bruxelles dans les bottes, du concombre dans les culottes, on cala du chou kalé dans les joues et chaparda du chou-fleur dans les t-shirts. ») Evidemment que le combat sera rude mais les enfants vaincront Grindle jusqu’à l’arrivée d’un autre adulte, qui, en chemisier et chignon, ne parlera que de « brocantes et bricolos » ... On navigue entre jeu et gravité, entre innocence et tragédie et les dessins en noir et blanc rendent honneur à la beauté des textes, fantasques et précis.
Une BD à mettre entre toutes les mains.
Tout commence lorsque Grindle entend les bruits de la fête des enfants : « Il se réfugia dans son SUV, roussi, renfrogné, rageur et réduit au silence. Les bambocheurs, quant à eux, en envoyèrent leurs boooooing aux quatre coins des banlieues jusqu'à ce que la lune entre en scène et que les étoiles mouchètent l'océan sans rive. Lentement, les champs se turent. À court de sucre, tous s'étaient endormis. Une fois le dernier d'entre eux partis arpenter le pays des rêves et tous étendus, ronflants, sur le plancher parsemé de pop-corn, les incisives incrustées de sucre, la bouche bordée d'un anneau de vermicelles multicolores, les joues encore pleines de gâteau et nappées de chocolat... arriva Grindle »
« Alors la princesse guerrière et le saboteur de salle se lancèrent dans une sarabande. Lui, filant comme une anguille, se languissait de son foyer, havre de paix et de poireaux. Elle, tenace, valsait sans cesse, consciente de tenir entre ses mains le sort de la grande salle ! »
J'avais découvert Boulet avec Par bonheur, le lait et La page blanche.