Liam est un homme qui a toujours eu besoin de vivre isolé, en pleine nature. Il est tombé amoureux d’Ava qui a accepté de le suivre dans cette maison recluse, a accepté de le voir partir régulièrement des jours entiers pour chasser mais elle a tenu bon quant à son désir d’enfant. Le petit Aru, âgé désormais de cinq ans, se fait toujours une joie d’accueillir son père après ses longues absences. Mais ce jour-là, Liam découvre le cadavre de sa femme, attaqué par un ours et un petit Aru désespéré. Ne sachant que trop faire de cet enfant trop vulnérable pour le suivre lors de ses expéditions, il veut le confier à un oncle, à la ville. Mais il doit essuyer un refus catégorique. Il repart donc avec son fils qu’il ne parvient pas véritablement à aimer vers le lac où Ava voulait le faire baptiser. Des obstacles et des contretemps vont perturber ce road-trip déjà très long et vont aussi modifier la relation père-fils.
C’est un roman qui se lit très bien mais Sandrine Collette use et abuse des ingrédients déjà utilisés auparavant : un environnement hostile, des êtres perdus au milieu de nulle part entourés de milliers de dangers, la proximité de la mort. Je crois que je me suis un peu lassée mais je ne peux nier avoir apprécier cette (courte) lecture. Je ne me souviens pas que l’autrice s’était amusée, dans ses précédents romans, à supprimer les virgules et chambouler la ponctuation. C’est plutôt réussi ici, on s’y perd pour mieux s’y retrouver à l’image des deux protagonistes. L’écriture m’a donc séduite pour certains passages qui respirent la poésie et d’autres qui permettent de réfléchir à notre petite condition d’humain. La langue orale et spontanée de Liam m’a tout de même parfois refroidie et, surtout, dans l’ensemble, je n'ai été ni surprise ni bouleversée par l’histoire narrée. Je deviens difficile, n’est-ce pas...
C’est tout de même mon septième roman de Sandrine Collette et mon préféré reste Les larmes noires sur la terre qui n’est pas un polar.
Père et fils entendent des loups au loin : « A vrai dire on s'est redressés tous les deux et je remarque la tension similaire de nos corps penchés en avant et pourtant on sait lui et moi que les loups sont trop éloignés on ne les verra pas. C'est plutôt la fascination du marin quand le chant des sirènes résonne sur la mer, quelque chose d'irrépressible qui brille au fond de nos ventres et vient chercher une vieille connivence oubliée du temps où l'univers était une sorte de fusion, j'ai du mal à expliquer pourtant ce temps-là je crois qu'il n'y avait pas ces haines et ces peurs, en ce temps-là, on était des loups et les loups étaient des hommes, ça ne faisait pas la différence on était le monde. »
« En vrai c'est la lueur éperdue dans ses yeux bleus qui me rend dingue, cette lueur qui me cherche simplement pour s'accrocher à moi, pour que j'ouvre une brèche, une possibilité, la largeur de mes bras et cette quête-là, cette prière muette, je n'y arrive pas il peut toujours rêver. La seule chose qu'il demande le gosse, c'est un peu de tendresse un truc comme ça. Il ne le dit pas c'est invisible sauf que c'est tellement là que l'air en frissonne, et je sens les vibrations vers moi que je repousse d'un geste de la main et je voudrais lui dire que ce n'est pas la peine, la tendresse je n'en ai pas du tout ou pas pour lui, on n'est plus que deux et ce n'est pas pour ça que je vais me rabattre sur lui. »