Slava Segalov est à la fois l’assistant et l’élève de Dimitri Lavrine qui n’est, ni plus ni moins, un pillard. Il déniche les endroits jadis luxueux mais désormais abandonnés pour y voler les biens les plus rares et les plus précieux. Puis il les vend à des investisseurs nouveaux riches, et fait fortune en toute impunité. Ça passe, c’est facile mais parfois dangereux car il tombe sur plus malin et plus fort que lui. La donne change lorsque Slava rencontre la jolie Nina qui a des principes qui l’étonnent et son frère -tellement imposant- Volodia. Et le road-movie se poursuit à quatre dans un univers de la mafia russe.
L’auteur parvient à rendre drôles des événements pourtant dramatiques ! Au-delà de cette histoire de bandit typiquement russe (dans un bâtiment, le premier regard de Lavrine se pose sur les plafonds qu’il n’hésite pas à démonter pour les revendre), au-delà donc de la petite histoire, l’auteur dresse un portrait d’une Russie mal portante et boitillante où la morale est un mot inconnu. Ça sent le pourri et pourtant on s’attache à ces personnages, Slava l’ancien artiste qui se laisse trimballer par ce Lavrine sans foi ni loi, ce même Lavrine qui est à la fois brillant et complètement stupide, ou Volodia le gros balèze qui boit trop de vodka. Et c'est très bien écrit. Côté dessins, je retrouve toujours avec un grand plaisir le trait de Gomont travaillé et vif que j’avais déjà tellement aimé dans Pereira prétend, Malaterre ou La Fuite du cerveau. Un presque sans-fautes, je dis « presque » parce que certains passages m’ont ennuyée mais je ne suis pas une spécialiste de la Russie, ça doit être ça. L’auteur précise que l’album a été réalisé avant la guerre contre l’Ukraine. Bref, à découvrir quand même. Et la suite ne devrait pas tarder.
« La lutte des plus forts pour le lucre. La lutte des plus faibles pour survivre. Et entre les deux, Lavrine qui fait des va-et-vient, tel un gros bourdon absorbé par sa tâche, butinant les dernières fleurs de ce monde en ruine, avec la candeur des bêtes au printemps. »
« On va se faire des couilles en or, mon pote ! Et un slip en platine ! »