Nathan est chauffeur uber à Paris. Il élève seul sa sœur Léa, une ado, et son petit frère Etienne depuis la mort de leur maman. Mais Nathan ne va pas bien, à force de rouler nuit et jour, d’avoir le nez collé à son GPS, il souffre de vertiges voire d’hallucinations. Et un jour sa voiture s’encastre dans un poteau alors qu’il devait amener Annie, une dame d’un certain âge, à l’aéroport. Ne sachant pas où passer la nuit, Annie accepte l’invitation de Nathan, sympathise avec la petite famille et finit par leur proposer de l’accompagner vivre avec elle en Alaska, son pays natal. N’ayant plus grand-chose à perdre, Nathan accepte. C’est évidemment un choc culturel, Etienne se voyait déjà gamer, Léa est toujours collée à son Iphone alors qu’il n’y a plus ni connexion ni électricité. Passés les premières lamentations et appréhensions, les trois finissent par s’habituer à vivre dans cette cabane isolée, au milieu de paysages grandioses. Parfois ils croisent un pizzly, ce croisement entre un ours polaire et un grizzly, souvent ils marchent des heures, tous les jours ils chassent leur nourriture. Mais le réchauffement climatique se ressent partout : les animaux sont perturbés, les cycles sont malmenés, les glaces fondent, les maisons s’effondrent. Malgré tout, cette petite famille vit au contact de la nature d’une manière toute nouvelle, en véritable connexion avec les animaux que les hommes vont apprendre à respecter et même à écouter.
Cette lecture est une claque ! Entre fable écologique et récit d’anticipation qui n’en est plus vraiment, cet album est surtout un avertissement alarmant sur les dégradations qu’on inflige à notre planète et l’urgence qu’il y a à réagir. La beauté de certains passages, de certaines vues à couper le souffle, de la noblesse de cette vie simple régie par un animisme convaincant contraste avec l’angoisse des lendemains, la terre souffre et elle l’exprime en s’effondrant ; c’est très alarmiste mais sans doute nécessaire. Il n’est pas forcément question de fin du monde mais d’une métamorphose inévitable et, en cela, l’album est très juste. Je n’ai peut-être pas tout aimé, j’ai eu du mal à me faire à tout ce fluo mais les dessins sont si beaux. J’ai eu du mal à interpréter ce choix du magenta, du rose, du vert luminescents, à la fois pour faire référence aux aurores boréales (?), à la dimension déjantée et psychédélique de notre monde archi connecté ? Je ne sais pas. Toujours est-il que l’album mérite qu’on le découvre, pour ses richesses, son engagement, l’éclat particulier de ses planches.
J’avais moyennement aimé Penss et les plis du monde, adoré La saga de Grimr et vénéré (!) Le Singe de Hartlepool.
« Ce chaos est tout l'inverse d'une fin du monde. C’est un grand bouillonnement, une immense redéfinition de toutes choses… Le passage d'un monde à un autre. »
En pleine forêt : « Il n'y a rien qu'on puisse cacher, pas même nos pensées les plus profondes. Tout ce qu'on fait, tout ce qu'on dit, tout ce qu'on pense, reste là-dehors dans le monde. »