Edouard Roux a grandi dans le Vercors et son enfance a été marquée par la mort du dernier ours, humilié par les hommes et sauvagement assassiné devant l’enfant. Soldat pendant la Première Guerre, il en sortira complètement abîmé et c’est une sculptrice, Jeanne, qui va lui offrir un nouveau visage… pas n’importe lequel, celui d’un kouros grec. Si, grâce à Jeanne, Edouard retrouve sa dignité, il rencontre aussi l’amour. Il emmène Jeanne dans son Vercors, elle s’en éprend immédiatement et y découvre un incroyable secret : une grotte cachée dont les parois sont recouvertes de dessins de nos ancêtres ainsi qu’un ours grandeur nature magnifiquement sculpté dans la pierre. Jeanne va le dessiner et le reproduire dans son atelier parisien. Le secret est et sera gardé par les deux êtres qui s’aiment mais l’air vicié de Paris et ses habitants trop souvent malhonnêtes vont éloigner encore une fois Jeanne et Edouard dans leurs montagnes chéries.
Au début de l’album, on ne sait pas tellement où on va, la chronologie est malmenée, le fil directeur c’est ce type un peu à part, Edouard Roux, un peu à part parce que plus proche de la nature et des animaux que des hommes ; mais c’est aussi le Vercors, région âpre, puissamment vivante, somptueusement primitive qui est le cœur de tout. Puis l’intrigue s’étoffe de mille subtilités, mise sur le beau, le sublime, l’engagé. Le dessin, quant à lui, charme et revêt ses plus beaux atours quand il est ancré dans la nature, les deux pieds dans l’herbe, à caresser la rudesse de la pierre et à scruter la pureté du ciel bleu. On pourrait même espérer que l’homme débarrasse le plancher, mais il en reste qui ne sont pas si mauvais… C’est vraiment très très bon, le succès de ce bon gros album de 238 pages est mérité, le dessin simple, brut, essentiel s’accorde si bien à l’histoire racontée. Je terminerai par un très minuscule bémol (un bémolet en fait), le sombre de la plupart des planches là où elles méritaient tellement de lumière… ça ne m’empêche pas de faire de cette lecture un coup de cœur !
Je n’avais jamais lu Jean-Marc Rochette, ce fut une belle découverte, j’arrive un peu tard puisque le bonhomme semble avoir déclaré qu’il ne publierait plus d’albums. Il me reste tous ses autres à lire, tant mieux pour moi.
« Ne t'inquiète pas. Je viens du pays des ours. Ma famille les connaît depuis toujours.
- Depuis toujours ?
- On respire le même air, on foule la même terre, on boit à la même source. On est de la même famille. L'ourse m'a dit que ces montagnes lui manquaient. Elle m'a parlé de l'arbre où elle avait l'habitude de se gratter. Elle m’a raconté le goût des framboises et des myrtilles et le vent frais du soir. Elle, si triste et si seule. »
« Edouard, c'est un trésor universel. Cette sculpture est un vrai joyau. Elle va révolutionner l'histoire de l'art. Et l'histoire en général.
- Rien ne sortira d'ici, Jeanne. Seuls les membres de ma famille connaissent l'existence de cette grotte. A part toi et moi, personne ne connaît ce lieu. Nous sommes les gardiens de son sommeil. De ses rêves. Les hommes tuent la magie. Jure-moi que tu ne me trahiras pas. Personne ne doit la réveiller. »