Cela faisait très longtemps que je voulais (re)découvrir cet auteur autrichien dont je pense avoir lu des livres étudiante (je n’en garde aucun souvenir mais les titres Un Enfant et L’Origine sont dans ma bibliothèque).
Rudolf veut absolument écrire sur un de ses compositeurs préférés, Mendelssohn Bartholdy, le problème, c’est qu’il est sans cesse dérangé dans ses projets : sa sœur est passée, elle l’agace, l’empêche de mener son travail à terme, l’empêche simplement d’écrire les premiers mots… Quand elle est partie, c’est l’idée qu’elle puisse revenir qui bloque notre écrivain, puis la pensée de sa sœur qui lui a toujours mis des bâtons dans les roues, elle si active, dynamique, influente, lui ermite depuis de nombreuses années … Il rumine, cogite, tergiverse, tourne en rond pour toujours en arriver à ne pas écrire. Cela fait dix ans que ça dure. Il songe qu’il serait mieux ailleurs que dans cette ville glaciale de Peiskam, il pense se rendre à Palma ; là-bas, il saura certainement écrire. Mais il y réfléchit encore, le voyage et les bagages lui coûteraient de gros efforts pour le malade des poumons qu’il est. Il hésite, se tâte, pèse le pour et le contre.
On ne sait pas trop si on doit rire ou pleurer avec ce monologue long de plus de 150 pages qui ne comporte ni chapitre ni paragraphe. Une chose est sûre, Rudolf nous embarque dans sa tête, on surfe sur ses idées noires, on l’accompagne dans sa diatribe contre le monde entier et finalement le titre convient bien à ce bloc de texte qui laisse peu d’air, peu de légèreté. Rien que des réflexions et des digressions diverses sur la nature humaine, les animaux, la nature, les voyages, Vienne, l’amitié, les souvenirs, l’écriture toujours et cette éternelle procrastination. Certains passages m’ont fait penser à du La Bruyère. Il faut s’accrocher d’autant plus que l’histoire termine en eau de boudin, s’arrêtant sur une des digressions du narrateur et non sur sa propre vie. Je ne regrette pas cette lecture mais elle n’est pas facile d’accès.
Accrochez-vous : « J’ai toujours cru ne pouvoir accomplir mon travail de l’esprit qu’entièrement seul, sans personne, ce qui devait se révéler une erreur, mais que nous ayons vraiment besoin de quelqu’un, c’est aussi une erreur, pour cela nous avons besoin de quelqu’un et nous n’avons besoin de personne, et tantôt nous avons besoin de quelqu’un , tantôt nous n’avons besoin de personne, et tantôt nous avons besoin de quelqu’un en même temps que nous n’avons besoin de personne, cette chose la plus absurde de toutes, à présent je m’en suis de nouveau rendu compte ces jours-ci ; jamais, à aucun moment, nous ne savons si nous avons besoin de quelqu’un ou si nous n’avons besoin de personne ou si nous avons besoin en même temps de quelqu’un et de personne, et parce que jamais, au grand jamais, nous ne savons ce dont nous avons effectivement besoin, nous sommes malheureux et, dès lors, incapables de commencer un travail de l’esprit au moment où nous le voulons, au moment où cela nous paraît indiqué. »
« Venise, ça ne va que pour quelques jours, comme une vieille élégante à qui l’on rend visite chaque fois pour la dernière fois, pendant quelques jours, mais pas plus. »