Nous sommes sur Terre en 2113. On avale des pilules faisant croire au cerveau qu’on déguste le meilleur plat de lasagnes, mais on a aussi la possibilité de vivre des expériences virtuelles comme nager avec une baleine bleue ou se transformer en un puissant lion. Inutile d’apprendre quoi que ce soit, il suffit de télécharger certains programmes (payants, bien sûr) pour parler des dizaines de langues différentes, savoir lire mais aussi devenir un maître de la télékinésie. Tout ça est merveilleux jusqu’au jour où ça beugue. Constant en fait les frais, il se déconnecte à Data Brain et se perd… au sens propre et au sens figuré. Il a tout oublié jusqu’à son nom. Une jeune femme, Hazel, le recueille ; elle vit parmi les « pauvres », à la marge. Elle lit de vrais livres, se lave dans la rivière et vit donc souvent des « sensations non numérisées » qu’elle fait découvrir à Constant. Le jeune homme découvre petit à petit à quel point son implant qui a fait de lui un « augmenté » l’affaiblit en réalité énormément et le fragilise dans le monde sans technologie.
Dans ce récit initiatique original, Zep nous amène à réfléchir sur l’hypertechnologie, ses fantasmes, ses possibilités et ses indéniables limites. Ce ne sera pas mon album préféré de Zep parce que je ne suis pas une fan de SF mais l’auteur-dessinateur évoque ce futur avec tendresse, justesse et délicatesse, il le rend passionnant avec cette quête identitaire et le piratage dont Constant a été la victime. Et il faut bien admettre qu’en 2022, on se sent plus proches que jamais de cette surabondance de gadgets et prouesses technologiques futuristes ; le sujet de la BD n’en est que plus effrayant encore. Zep a désormais son style graphique bien à lui, j’ai déjà pu y goûter dans Un bruit étrange et beau ou The End que j’ai adorés : chaque planche a généralement sa couleur pastel, les traits sont doux et ne s’encombrent pas de fioritures inutiles.