J’avais tellement aimé L’Art de se perdre que je m’étais fait la promesse de lire encore cette autrice.
Franck est infirmier et vit avec Emilie, une professeure qui a décidé de faire une thèse sur un auteur de polars réputé, Galwin Donnell, disparu en 1985 au large d’une île écossaise, Mirhalay. Sa mort est une énigme, le corps n’a jamais été retrouvé, on le soupçonne de s’être volontairement jeté à la mer. Emilie vient donc participer aux Journées d’études internationales et Franck la rejoint sur l’île où se trouvent déjà une dizaine d’autres conférenciers. Ce séjour sera l’occasion d’aviver la jalousie de Franck mais aussi de creuser l’écart entre les amoureux ; Emilie se rapproche d’un autre conférencier très charismatique, Emilie veut passer deux années à Cambridge, Emilie ne veut pas encore de l’enfant que lui réclame son compagnon… Bref, Franck noie son chagrin dans l’alcool et dans des balades improbables avec Jock, le gardien de l’île.
J’ai bien aimé me plonger dans cette ambiance un peu dixpetitsnègresques (oui, oui…) où le huis clos - cette petite île hostile - permet au mystère de prendre toute sa place entre deux groupes de personnes : Franck et son nouveau pote le gardien et les conférenciers qui ont leur jargon, leur langue, leu univers à eux, complètement gagas de ce Galwin Donnell. Le huis clos exacerbe aussi les tensions et les émotions, on assiste ainsi à une histoire d’amour qui se termine… Evidemment, le roman n’a absolument rien à voir avec L’Art de se perdre mais je l’ai trouvé très agréable et le fait que l’île et le romancier sortent de l’imagination de l’autrice ne m’a pas dérangée. Elle pousse le bouchon jusqu’à citer très souvent des extraits des romans de cet auteur. C’est bien fichu, joliment écrit aussi et mystérieux ; j’ai lu des avis mitigés voire négatifs, je ne les suis pas du tout. Transparaît déjà ici la belle plume de l’autrice, maligne et délicate.
Ce roman a obtenu le prix Renaudot des lycéens 2015, Alice Zeniter n’avait même pas encore 30 ans.
« Donnell existait auprès d’Emilie comme une excroissance littéraire, ou plutôt comme un membre fantôme que personne ne pouvait voir mais donc elle sentait la présence, les démangeaisons. Lorsqu’elle se couchait près de Franck, elle apportait Donnell dans le lit – « avec eux », pensait-elle, « entre eux », aurait-il dit. »