Je ne souhaitais pas forcément lire ce livre à sa sortie, en août, et puis, à force d’entendre et de lire divers avis, plutôt positifs, l’envie s’est installée. Aucun regret.
Oscar, écrivain looser, et Rébecca, belle actrice vieillissante, correspondent. Un peu par hasard. Lui a une sale affaire Me too sur le dos, une attachée de presse, Zoé Katana, qu’il a aimée dix années plus tôt l’accuse de harcèlement. Il admet lui avoir fait une cour très pressante mais, trop souvent bourré ou drogué, il ne se rappelle pas l’avoir agressée. Rébecca, même si elle devient copine avec lui, ne tente pas de minimiser ce qui s’est passé et voit souvent Zoé. L’attachée de presse a droit à la parole aussi, régulièrement. Et le covid survient, le premier confinement change la donne : Oscar, déterminé à se sortir des tréfonds de la drogue réussit à convaincre Rébecca de la rejoindre lors des visios Zoom des Narcotiques Anonymes. Il s’en sortent petit à petit, ensemble et à distance alors que Zoé sombre dans la dépression.
C’est un roman épistolaire agréable à lire, globalement intelligent (j’ai été agacée par certaines conneries quand même – le combat hommes vs machines, le féminisme excessif ridiculisé, l’omniprésence et omnipotence des réseaux sociaux) et qui propose une vision nuancée des protagonistes de Me Too. La fiction côtoie le genre de l’essai, j’ai aimé le format par lettres même si finalement il ne donne pas plus de rythme au récit comme on pourrait le supposer et l’espérer. Quant au style… certaines phrases m’ont beaucoup plu par leur vivacité, leur humour et leur côté incisif et au paragraphe d’après, le soufflet retombe et la phrase est plate, le vocabulaire est celui qu’on entend dans la cour d’un collège. Ce que j’ai préféré finalement, c’est la confidence sans limite des protagonistes qui ne montrent pas leur meilleur visage, j’ai aussi aimé cette apologie des Narcotiques anonymes, vraiment, même si je me sens à mille lieues de cette association. Que conclure ? J’aurais pu adorer avec quelques pages en moins et un style un peu plus soigné.
« le mec est pas mal gaulé pour un auteur »
Rébecca évoque l’image de l’auteur ivre et drogué : « T’as raison, c'est le seul truc un peu viril chez toi … Ecrivain, c'est difficile à concilier avec une masculinité un tant soit peu dynamique. C’est tellement proche de la broderie, votre truc. Tu vas décevoir beaucoup de monde si la prochaine fois que tu ouvres ta boutique tu annonces que tu es devenu sobre. »
« plutôt crever que faire du yoga »
« Je voudrais pouvoir te dégueuler hors de ma vie. Ça fait des semaines qu’on s’écrit et tu es devenue la personne la plus proche de moi. »
Oscar est clean depuis des semaines : « Parfois ça me retombe dessus. J’ai envie de céder, juste histoire que cette tension cesse. Que ce soit fait, bordel. Succomber. Rien que le mot est joli. Tomber à la renverse. Perdre connaissance. Tomber par terre, glisser le long du bar, se vautrer dans l caniveau, vomir. Perdre. Ce qu’on aime en buvant c’est ce qu’on aime en fumant c’est ce qu’on aime dans la passion amoureuse c’est ce qu’on aime dans des boulots bien payés qui rendent malheureux- c’est aimer ce qui est plus fort que soi. »
« T’es toujours un peu connard, mais t’es notoirement moins connard qu’avant. »