- La tristesse durera toujours.
Qu’il me tardait de retrouver cet auteur-de-BD-chouchou !! Mon étincelle de bonheur de la rentrée !
Jean-Eudes de Cageot-Goujon alias Manu Larcenet, après avoir connu les affres de l’hôpital psychiatrique, les gouffres de la dépression, les angoisses de la page vide et de l’artiste mal compris, trouve refuge dans la contemplation. Malgré sa grande motivation de départ, le mystique lui a fait faux bond. Lorsqu’il cherche un peu de réconfort auprès de sa famille, il n’y trouve qu’indifférence. Il découvre ensuite que son fils a des abdos (un truc impensable dans la famille !) et se révèle bien plus fort que lui, il en profite pour avoir une énième révélation : coller bout à bout les meilleures parties de l’ADN de ses enfants pour obtenir une idée du siècle entière rien qu’à lui. Avec sa fille, notre cher Jean-Eudes n’est pas en reste puisqu’il découvre qu’elle découche… pour retrouver un groupe de philosophes en pleine forêt ; le père s’incline devant ces forts du cerveau. Pour faire face à une concurrence féroce en matière de BD, Jean-Eudes a enfin une idée de génie (oui, encore une) : il se lance dans la bédé reportage, il suit sa vétérinaire d’épouse 24h/24. Après relecture, il balance tout, c’est nul, il se retrouve encore une fois désœuvré. « Après tout, pourquoi ne pas dessiner juste pour le plaisir », ben voilà… sauf que la critique est sans appel : « Vos tentatives, tout aussi incessantes que vaines, pour retrouver une gloire révolue lassent Les Français dans des proportions considérables ! Vous êtes prêt à toutes les compromissions pour regagner le devant de la scène et palper le maximum de pognon ! » Si après ça, je vous dis que Jean-Eudes fuit le foyer familial et va sauver Van Gogh de la mort en pleine campagne, vous me direz que c’est complètement déjanté ?
Il me semble que l’hyperbole est une des figures de style fétiches de notre cher Manu Larcenet, il la manie à merveille et à foison. Il apprécie aussi l’accumulation en tous genres : des listes de synonymes, des dessins qui remplissent la case et débordent allègrement, des gribouillis ordonnés, des imbroglios de genres picturaux, un record battu de nombre de bulles et de cartouches par planche (ma fille assise à côté de moi : « Y’a pas trop de texte pour une BD ? »). Bref du bonheur à saturation, une outrance de bonnes idées, des barres de rire, une cavalcade de folies, une avalanche d’absurdités tellement mais tellement délicieuses. Si on pleure à chaudes larmes une fois l’album refermé, on se console, le mec au gros nez phallique nous l’a promis : « Le boss estoye de restour ». J’attends déjà le tome 4.
« Je me sens comme un pauvre cowboy solitaire… (mais pas trop loin de mon foyer, je me fais vieux). »
« CQFD… ce qu’il fallait dessiner. »