Né dans la seconde moitié du XVè siècle, Erasme devient d’abord prête mais, très vite, il s’échappe du « monastère dont l’horizon borné et l’étroitesse d’esprit lui sont devenus intolérables. » Jeune, il vit pauvrement à Paris, devient précepteur chez les riches sans pour autant jamais courber l’échine. A trente ans, il est accueilli les bras ouverts en Angleterre, pays de paix amoureux des arts. D’un naturel réservé, il arrive toujours à ses fins de manière subtile et intelligente. Il dénonce ouvertement l’opulence et certaines pratiques de l’Eglise notamment les indulgences. Il prône un retour aux manuscrits originaux de la Bible et défend ainsi une conception évangélique de la religion sans pour autant renier l’Eglise. Celui qui le fera, c’est Luther, son grand adversaire, avec verve et fracas. Très célèbre, cosmopolite, ouvert et pacifiste, il se heurtera à l’arrogance et au sans-gêne de Luther qui finira par gagner la bataille à grands renforts de violence.
Si le livre n’est pas un joyeux divertissement, il est fort instructif et nous permet de découvrir une personnalité que je connaissais très peu. Il y a des passages que je n’ai pas appréciés mais, dans l’ensemble, l’écriture de Zweig, lumineuse comme d’habitude, rend le tout agréable et intéressant, et le personnage éponyme attachant et remarquable. Erasme apparaît comme le défenseur du génie créateur et artistique, son pacifisme et sa tranquillité sont admirables mais l’ont isolé, à la fin de sa vie, dans un monde « qu’il ne comprend pas et désavoue ». Il aura connu une période de gloire, détenant une « grande puissance grâce à son seul savoir ». Le portrait fait par Zweig et touchant et donne envie d’ouvrir l’Eloge de la folie d’Erasme.
« cet anachorète qui prêche dans le désert rêve d'une ultime synthèse qui réunirait toutes les formes acceptables de croyances spirituelles, d’un rinascimento du christianisme qui délivrerait à tout jamais l'humanité des luttes et des conflits et qui élèverait véritablement la croyance en Dieu au rang de religion de l'humanité. »
« une ville n’existait à ses yeux que par ses bibliothèques. »
« Pour Erasme, l'humaniste, le Christ est le prophète de l'humanité, l’être divin qui a donné son sang pour que le sang ne soit plus versé, pour que la discorde disparaisse du monde ; de son côté, Luther, le soldat de Dieu, fais sonner bien haut cette parole de l’Evangile : « Je ne suis pas venu apporter la paix, mais l’épée. »