Dans un pays africain imaginaire, Mboasu, Musango est chassée de la maison familiale sous prétexte qu’elle est une sorcière. Elle n’a que neuf ans et s’écarte d’une mère tortionnaire qui n’a fait que la battre et l’humilier depuis sa naissance. Orpheline d’un père aimant, Musango commence un périple qui lui fera rencontrer les adeptes de l’« Eglise d’éveil », une sorte de secte - qui n’est qu’une arnaque spirituelle qui a pour objectifs véritables la traite des femmes et la prostitution. D’autres rencontres émailleront son parcours pendant les trois années suivantes : une « mangeuse d’âmes », une grand-mère aimante ou encore des femmes qui veulent « faire l’Europe ». Mais Musango n’a de cesse de rechercher sa mère, cet être qu’elle aime tant et qui la hait. Cette quête se fera dans une atroce souffrance qui finira tout de même par aboutir.
C’est un roman difficile et exigent qui apporte une vision pessimiste de l’Afrique et met en lumière deux catégories de victimes : les femmes et les enfants dans un monde où le patriarcat cisaille le peu d’amour restant. Une Afrique où des parents démunis utilisent le prétexte d’avoir un enfant sorcier et malfaisant pour le mettre à la porte. Oui, c’est dur et l’espoir n’est qu’un pâle filet même s’il apparaît à la fin et qu’il permet de souffler un peu avant de fermer le roman. L’écriture de Léonora Miano est une écriture que j’ai envie de qualifier de capiteuse et d’astringente. Elle ne laissera personne indifférent. Sans concession, elle secoue et traîne le lecteur dans une Afrique impitoyable, misogyne et cruelle qui ne laisse la vie sauve et belle qu’aux hommes malhonnêtes. La noirceur y est « érigée en principe inébranlable » et rares sont les lueurs d’optimisme. J’ai aimé découvrir cette plume à part, j’y reviendrai mais j’ai besoin d’une pause.
« Nous n’aimons rien autant qu’éteindre toutes les lumières, afin de ne laisser brûler que les brasiers qui nous consument de notre vivant, faisant du lendemain une impossibilité. »
Musango, à sa mère : « Je saurai m’aimer sans que tu m’y aides. »
« chaque fois que la mélancolie me quitte, je suis heureuse. Le bonheur va et vient. On ne peut pas l’emprisonner. C’est un grand voyageur. »
« Je me réveille à l'heure où la nuit tient la rampe pour monter sur les planches, comme une prima donna tonitruante et autoritaire, afin d'en déloger le jour qui a épuisé le temps imparti à ses péroraisons. Le moment est venu maintenant d'un récital ombrageux, où bruissent des créatures souveraines à cette heure, qu'elles soient visibles ou non. La nuit porte un long manteau dont la couleur change à chaque enjambée, et en deux minutes ou moins, le ciel passe du bleu sombre au noir profond, après que le soleil a exhalé quelques brefs soupirs mauves et orangés. »
« La nuit se fait attendre, et ce n’est pas son genre. Aujourd’hui, elle laisse le jour s’épuiser tout seul. Nous le voyons clignoter, puis mourir sous la voûte céleste. »
« c’est le cœur ardent que j'étreins puissamment les contours du jour qui vient. »
- Le roman a obtenu le Prix Goncourt des Lycéens en 2006 -
Et je participe au challenge de Jostein :