La suite de Dalva m’attendait depuis quelques années déjà.
La première partie est dédiée à Northridge, le grand-père de Dalva, celui qui a tout vu et tout vécu et qui arrive à la fin de sa vie, sur cette « » où les souvenirs prennent plus de place que le présent. Il se remémore son meilleur ami, Smith, ses enfants et petits-enfants mais aussi ce et ceux qui ont marqué son existence : une chasse à taureau sauvage, ses chiens, sa petite-fille Dalva qui s’apprête à accoucher et à faire adopter son enfant, Saule son premier amour jamais retrouvé, la mort de son fils. C’est Nelse, le fils de Dalva, celui-là même qu’elle n’a pas élevé, qui prend en charge la deuxième partie du roman. Accaparé par un amour obsessionnel, il va aussi retrouver sa véritable grand-mère, Naomi, qui prendra la parole à son tour. Une question subsiste : retrouvera-t-il sa vraie mère ? Enfin, c’est Dalva qui clôt le roman de la même manière qu’elle ferme la porte de sa vie, doucement, avec une grande tendresse.
Ah, ça n’a pas été une lecture facile, loin de là ! J’ai fait l’erreur d’emporter le roman en vacances et c’est tout sauf une lecture de plage. Digressions, retours en arrière, changements d’époque et de narrateur malmènent le lecteur. Ajoutons à cela une ambiance crépusculaire, deux narrateurs évoquent la fin de leur vie associée à une époque qui se termine, une page qui se tourne. Ce n’est pas gai mais c’est du Jim Harrison, souvent subtil, grave, profond. Certains passages éblouissants, très forts, secouent et marquent. La nature est évidemment un personnage à part entière, ses oiseaux, ses chevaux ; c’est le plus beau visage de l’Amérique, son meilleur profil. Mêlant différents tons et registres mais aussi un grand nombre de thématiques, le roman fait une belle révérence aux Indiens, il aime mêler la vie et la nature à l’art, le tout avec une sensibilité stupéfiante. La fin du roman doit être un des dénouements les plus beaux et les plus bouleversants de la littérature… Je suis fière de l’avoir lu !
Je participe ainsi au Challenge Pavé de l’été de Brize (586 pages)
« Subsiste cette pensée mélancolique qu’on peut très bien étudier la poésie et en écrire de l'aube au crépuscule sans jamais pondre le moindre quatrain digne de ce que Keats a peut-être griffonné un jour au dos d'une enveloppe sur Hampstead Heath avant de s’en débarrasser en jugeant ces vers trop médiocres pour être conservés. Les yeux fixés sur l'averse qui brouillait les contours de la pâture, j'ai frissonné, saisi du désir fou de manger et de boire la terre, d’avaler le ciel et sa pluie, après quoi j'ai dormi et rêvé d’Adelle, de Neena, de ma mère et de Rachel, debout sous la pluie dans la pâture, un large sourire aux lèvres et me regardant derrière la fenêtre du cabinet de travail. »
« Dieu grimace sans doute et détourne la tête pour vomir, quand il n'est pas occupé ailleurs. »
A la fin de sa vie, Dalva fait des listes de ce qu’elle a « le plus aimé sur cette terre » : « Rien de vraiment farfelu, de l'ordinaire pur et simple. Tout le monde ne peut pas être exceptionnel, même si on nous apprend au contraire. J’avais vraiment la possibilité d'accomplir ce que j'ai déjà accompli. »