Cela fait bien longtemps que je veux reprendre ce roman, c’était ma 3ème relecture je crois bien.
Début du XIXè siècle. La pension Vauquer tenue par la bonne femme du même nom grouille de monde : il y a 18 hôtes au dîner et 7 locataires. Parmi les occupants des appartements, Eugène Rastignac, étudiant en droit, va se plier en quatre pour emprunter l’ascenseur social. C’est le père Goriot qui va l’y aider. Le vieil homme a deux filles qui le rejettent alors qu’il s’est saigné toute sa vie pour leur procurer confort et fortune. Rastignac va jouer sur la jalousie opposant les deux filles et sur leur désir de pouvoir pour se rapprocher de Delphine de Nucingen. Il deviendra son amant mais les deux sœurs vont connaître des problèmes d’argent et d’honneur, le peu d’argent du père Goriot va être sucé jusqu’à la moelle. N’oublions pas Vautrin, cet homme aux deux visages qui souhaite mettre Rastignac en confiance. Le roman se termine mal, vous le savez bien, sauf pour Rastignac qui lance son fameux « A nous deux maintenant ! » dans le quartier de la place Vendôme et qui a reçu une belle leçon de vie qui nous permet de classer ce roman de récit d’apprentissage
J’ai une passion pour les vies d’immeubles (j’aimerais relire La Vie mode d’emploi de Perec aussi), quand se côtoient des êtres aussi divers que surprenants, que juste derrière la cloison se joue une vie insoupçonnée. Avec la pension Vauquer, je suis doublement satisfaite puisque les personnages se croisent dans les escaliers mais se rencontrent aussi aux dîners, échangeant impressions, amitiés ou désaccords. Ce n’était pas ainsi dans mes souvenirs : j’ai eu l’impression de lire un portrait de personnages statufiés au début du roman, immobiles, attendant d’être croqués par le romancier. Ils ont ensuite pris vie pour ne plus s’arrêter de remuer, s’agiter, rire, pleurer, mourir et vivre. Et j’ai trouvé le roman relativement facile à lire. Si je ne sais plus trop quoi rajouter qui n’a pas déjà été maintes fois dit, je vous partage ma découverte vocabulaire : un « regrattier » est un vendeur de restes (par extension : un avare), la mère Vauquer accuse la concurrence de servir des « plats achetés chez les regrattiers ». Que ceux qui se montrent circonspects se rassurent, il faut tout de même avoir lu Le Père Goriot une fois sans sa vie.
« Le bonheur est la poésie des femmes, comme la toilette en est le fard. »
Le gentil Vautrin est en réalité l’escroc Collin : « En un moment Collin devint un poème infernal où se peignirent tous les sentiments humains, moins un seul, celui du repentir. Son regard était celui de l'archange déchu qui veut toujours la guerre. Rastignac baissa les yeux en acceptant ce cousinage criminel comme une expiation de ses mauvaises pensées. »
Du Père Goriot :
« Il avait donné, pendant vingt ans, ses entrailles, son amour ; il avait donné sa fortune en un jour. Le citron bien pressé, ses filles ont laissé le zeste au coin des rues. »
« Que suis-je ? un méchant cadavre dont l’âme est partout où sont mes filles. »
« Il faut mourir pour savoir ce que c'est que des enfants. Ah ! mon ami, ne vous mariez pas, n'ayez pas d'enfants ! Vous leur donnez la vie, ils vous donnent la mort. vous les faites entrer dans le monde, ils vous en chassent. Non, elles ne viendront pas ! Je sais cela depuis dix ans. Je me le disais quelquefois, mais je n'osais pas y croire. »