Il me tardait de découvrir et ce roman, et cet auteur autrichien.
« Le Champ » est le nom donné par cette petite ville autrichienne à l’ancien cimetière. Un endroit quasi à l’abandon même si, de temps en temps, un promeneur solitaire ou une bande d’ivrognes viennent rompre le silence des lieux. C’est sans compter les voix, celles des morts qui racontent leur vie et défilent pour nous : le curé, le facteur, un couple, le reporter, le maire, l’épicier, celle qui a eu 67 amants, un paysan, la doyenne, et tant d’autres. Une première rencontre qui se fait par une main qu’on serre, un épicier qui se retrouve « au pays » pour répandre les cendres de ses parents dans un jardin qui n’existe plus, un curé qui a mis le feu à son église, un homme qui succombe aux attraits des machines à sous, …
On pourrait s’attendre à quelque chose de morbide ; absolument pas. J’ai beaucoup aimé ces récits qui se croisent, se confrontent, s’enlacent. Des vies banales, des événements extraordinaires, des déceptions, des prises des bec, des coups de gueule, l’ordinaire aussi. L’écriture, belle, espiègle de temps en temps, nous emporte dans cette petite ville et nous invite à aimer, respecter, toiser ou détester ses personnages. J’ai beaucoup apprécié la diversité des points de vue sur un même événement, l’épouse puis le mari, par exemple, ou la voix de chacune des deux amies d’une maison de retraite. Parfois la nouvelle termine par une chute, parfois le texte raconte un instant de vie, parfois encore, il ne nous dit rien d’autre que le plat quotidien. Pourtant ces voix forment une communauté, un assemblage hétéroclite qui se retrouve dans ce mystérieux endroit qu’est l’au-delà ; la tournure est tantôt comique, tantôt tendre, tantôt sordide. Une belle première découverte avec quelques passages qui sont de vraies pépites.
« dans tous les champs il y en a qui sont un peu tordues – mais les raves ont toutes le même goût. »
« Très peu de vieux sont avisés, la plupart sont juste vieux. »
« Laisse la miséricorde divine pénétrer aussi dans ton cœur, disait le curé, et donne-moi deux bottes d’oignons frais. »
« J’aurais bien aimé filer au-dessus des champs comme les hirondelles. Ou au moins zigzaguer comme les papillons. Ils sont tout fous au printemps. C’est si beau qu’on en croirait presque en Dieu. Mais ça n’avancerait à rien non plus. La beauté des papillons n’a pas besoin de Dieu. Elle, elle existe réellement. »