Les Morues, ce sont trois filles : Ema, Gabrielle et Alice. C’est surtout Ema qu’on va suivre, une journaliste people, très libérée sexuellement parlant. Elle a perdu sa meilleure amie, Charlotte, avec qui elle s’était pourtant brouillée quelques années auparavant. Charlotte faisait partie d’un groupe de potes plus large et on retrouve tout ce microcosme à son enterrement. Ema se demande si son amie s’est réellement suicidée comme l’affirme la brève enquête qui a suivi la découverte de son corps. Entre son amant qu’elle ne veut pas voir devenir son petit ami, son copain Fred toujours maladroit et en déveine quand il s’agit de trouver une fille qui lui convient, Ema va tenter d’en savoir plus sur une organisation mystérieuse que Charlotte avait infiltrée et qui vise à mettre en péril l’avenir de la culture en France.
Ce n’est pas du tout le genre de livre que j’ai l’habitude de lire puisqu’il navigue entre chick lit et feel good mais j’avais envie de découvrir cette autrice depuis longtemps. Si ce n’est la longueur du roman, j’ai assez aimé suivre ces jeunes adultes plutôt décomplexés aux prises avec l’alcool, le sexe et le pouvoir. Je n’en lirai pas deux comme ça d’affilée mais le côté léger, parfois drôle, m’a bien divertie. On a qualifié ce livre d’OVNI pour son mélange des genres et c’est vrai qu’il y a une bonne partie consacrée à la politique et au libéralisme (qui tombe à pic n’est-ce pas…), que le polar se confond avec un ouvrage plus social zoomant sur la jeunesse féministe actuelle (enfin celle de 2011 plutôt). C’est finalement ce mélange des genres, des registres et des tons qui m’a plu, quelque chose de décalé sans être complètement stupide – les nombreuses références littéraires sont appréciables. Il y a un petit quelque chose des Chroniques de San Francisco de Maupin… Rajoutons à cela qu’une sympathique playlist à chaque fin de chapitre permet de monter le (très bon) son et de remuer son popotin. C’est pas mal.
Pour en savoir plus sur la mort de son amie, Ema accepte un dîner avec un type pédant et prétentieux : « Elle nota qu’il avait sensiblement changé de ton. Il la prenait presque de haut ce grand con. Sûr de lui, de son charme, ou plus exactement du charme de son compte en banque. Il transpirait le sperme moisi et desséché. Inutilisé et inutilisable. Le fait que ce soit elle qui l’appelle devait signifier pour son ego surdimensionné qu’elle était en position de demande. Donc de faiblesse. »
Ema tente de devenir « normale » avec une vie de couple ordinaire – elle prépare un gigot d’agneau : « A ses yeux, le gigot d’agneau représentait le stade ultime de la normalité. Je gigote donc je suis. »