Je découvre pour la première fois cette autrice qui a son style bien à elle, c’est indéniable.
Le « monument national », c’est Serge Langlois, un acteur français très célèbre, vieillissant, vivant avec son épouse beaucoup plus jeune que lui, Ambre, sa fille Joséphine adoptée en Asie, son chauffeur, sa gouvernante, d’autres domestiques. Tout ce beau monde habite un château « bâti sur le modèle du Petit Trianon » en lisière de la forêt de Rambouillet, et, il faut bien le dire, l’argent coule à flot. Mais un certain virus, en 2020, vient briser ce fragile équilibre fait de pacotille, de poudre de perlimpinpin et d’illusions. Des personnes extérieures ont pu faire leur entrée au château, Abdul, ancien acteur devenu coach sportif en deux trois mouvements, c’est le cas de le dire, et cette mystérieuse Cendrine qui s’improvise nurse et qui, seul le lecteur le sait, a changé d’identité après avoir elle-même orchestré sa disparition. Des événements dramatiques vont chambouler le quotidien de ces braves gens riches dans un huis clos où même Monsieur le Président et son épouse Brigitte vont faire une brève incursion. D’emblée, le lecteur sait que tout se terminera mal et que ce pauvre château, jadis majestueux et triomphant, se retrouvera délaissé et décrépit, à l’instar de ses occupants.
Vous l’aurez compris, Monument national est un roman à clef où l’on peut facilement reconnaître dans les personnages principaux des personnes vivantes ou mortes : Johnny Hallyday, Belmondo ou encore Alain Delon. C’est aussi une satire sociale, épinglant cette caste particulière des célébrités pour qui l’argent et le m’as-tu-vu sont des principes de vie. Se rajoute à cela un esprit Cluedo bien prononcé puisqu’il s’agit de trouver le coupable d’un meurtre parmi les résidents du château. La narratrice est Joséphine, la fillette adoptée, bien plus mûre et intelligente que tous les adultes qui l’entourent. Le tout est servi par une écriture fouillée, élégante, incisive et efficace. Alors pourquoi diable n’ai-je pas aimé ce roman ? Sans doute parce que les vicissitudes des gens très riches et inintéressants ne m’ont amusée qu’un très court moment et m’ont donc vite lassée. Mais ce roman vaudevillesque reste divertissant et plaira sans doute à un grand nombre de lecteurs.
Cendrine vient d’être embauchée : « Sauf en cas de pluies torrentielles, il nous était interdit de lire : nous étions bien trop jeunes pour nous abîmer les yeux sur des pages imprimées. Cendrine admira le lustre immense, les pampilles ruisselant de lumière sur le dallage crème. Puis elle s'arrêta sous le buste de Serge.
- La classe, estima-t-elle en levant le bras vers la mâchoire de bronze.
Ambre sourit. C'était normal d'être épatée la première fois qu'on entrait dans un château. Elle-même avait grandi dans des villas beaucoup plus modestes, à Saint Tropez, à la Martinique. Elle convoquait souvent des souvenirs de jeunesse pour se rappeler le sort des moins fortunés. »