Diégane Faye est un jeune écrivain sénégalais exilé à Paris. Il entend parler d’un livre hors du commun, Le Labyrinthe de l’inhumain qu’une maîtresse, Siga surnommée l’Araignée-mère, lui offre enfin. Ce livre est sans doute doté de pouvoirs mystérieux puisque chacun de ses lecteurs en sort changé, avec la ferme volonté d’en savoir plus sur son auteur considéré comme le « Rimbaud nègre », qui a disparu de la circulation avant la 2e Guerre mondiale. L’écrivain, Elimane, est tour à tour accusé de plagiat et considéré comme un génie. Des allers-retours entre la France, le Sénégal ou encore l’Argentine vont donner lieu à des considérations sur l’écriture mais aussi sur la colonisation et les difficultés de l’exil à être ni tout à fait Français ni vraiment Africain, et enfin sur l’amour.
Je vais être franche, je n’ai pas tout aimé dans ce livre, la fin de la lecture a même été très laborieuse. Je l’ai lu à un moment où j’étais débordée et je crois qu’il réclame calme et attention. J’ai parfois souri aux mises en abyme qui me parlaient complètement comme « Avec le temps et les relectures tu la comprendras. Elimane est un écrivain qu’on ne comprend qu’en le relisant. » Maintenant, à la question de savoir si le roman mérite le Goncourt, je répondrais oui. Il est brillant, protéiforme, envoûtant, drôle parfois (Jésus se décloue et descend de sa croix pour se taper la discute avec le narrateur pendant que ses deux potes copulent bruyamment dans la chambre d’à côté), intelligent, subtil et très riche. Mais je pense qu’il est beaucoup moins « tout public » que les prix attribués les années précédentes, par ses réflexions sur l’écriture et la lecture, par sa construction complexe, par ses références culturelles, littéraires et même politiques. Une danse assez folle très colorée, désarticulée et sensuelle, voilà à quoi me fait penser ce livre. Je crois que je l’ai tour à tour adoré puis détesté. N’importe quel lecteur admettra qu’en changeant constamment de narrateur et d’époque, l’auteur se fiche un peu de nous. Pourtant, c’est le ton grave employé quasi en continu - même pour les scènes de sexe (très fréquentes) – que j’ai le moins apprécié. Une sorte de solennité élitiste m’a tenue éloignée. Quand je pense que certaines personnes se contentent d’avoir pour seule lecture annuelle le Goncourt… voilà de quoi rebuter. Dommage.
« Les grandes œuvres appauvrissent et doivent toujours appauvrir. Elles ôtent de nous le superflu. De leur lecture, on sort toujours dénué : enrichi, mais enrichi par soustraction. »
« Un grand livre n’a pas de sujet et ne parle de rien, il cherche seulement à dire ou découvrir quelque chose, mais ce seulement est déjà tout, et ce quelque chose aussi est déjà tout. »
« Je me suis dit qu’un monde où on pouvait encore débattre ainsi d’un livre jusque tard n’était pas si perdu, même si j’avais bien conscience de ce que des personnes discutant de littérature toute une soirée avaient de profondément comique, vain, ridicule, peut-être même irresponsable. »
« Je me fiche de la réalité. Elle est toujours trop pauvre devant la vérité. »