Partout, les eaux sont montées et ont submergé les villes, les maisons, les gares, les aéroports. La misère règne sur la France. Hans rejoint, dans une chaloupe brinquebalante, sa mère qui vit avec son fils muet et simplet et un étrange chien bleu dans une maison posée sur l’eau. Là, la vieille femme survit comme elle peut, elle chasse, cueille, cultive et tire le meilleur des immenses étendues d’eau qui l’entourent. Hans est venu chercher son frère, le géant Gorza, qui détient des records de plongée en apnée et peut ainsi se révéler utile et gagner de l’argent. Les deux frères sont à la recherche d’un endroit calme où la mère ne se fera pas chasser et où elle pourra continuer à « cultiver sa soupe ». En effet, les autorités contraignent la plupart des gens à rejoindre des centres d’hébergement, ce dont les trois ne veulent pas. Le chien bleu est doté de pouvoirs, Gorza n’est pas en reste puisque, même s’il ne s’exprime que par onomatopées, il sait souvent régler les problèmes des personnes qu’il rencontre après les avoir devinés. Mais le monde est devenu hostile, les hommes sauvages et la méfiance omniprésente.
Je suis rapidement tombée amoureuse des dessins, les épais contours des personnages, les paysages noyés sous l’eau, la variété des graphismes. Il y a une vraie harmonie entre ce qu’on voit et ce qu’on lit. Mon très petit bémol s’explique par le fait que j’ai eu du mal à adhérer complètement à l’histoire. On a déjà rencontré un « chien bleu » chez Nadja, Gorza aussi attachant soit-il m’a d’emblée fait penser au héros de La Ligne verte. Mais ce récit d’anticipation dissémine un message d’alerte évident, privilégiant les êtres marginaux à l’écoute de la nature. Et puis, les dessins, je me répète mais bon sang, que c’est beau !
« La nuit se remplit d’une joie secrète, tout le profond du bois s’anime d’un puissant chahut. Un vent doux amène des parfums sauvages d’eau et de mystère. J’écoute mon sang battre. Demain nous partons glisser dans les bras gigantesques du fleuve… »
« Gorza. Il a soif du ciel. Il a faim d’infini. Et il n’emmerde personne avec son appétit… »
« Quand la nature envoie un signal, l’homme ne comprend jamais le message. Il plonge dans le déni comme un gamin qui fait une connerie. »