Une cabane isolée dans la montagne, dans le « Sanctuaire », vaste étendue où une famille s’est réfugiée à la suite d’une pandémie provoquée par les oiseaux. Le père, autoritaire et débrouillard, est le seul à se rendre régulièrement hors du Sanctuaire pour des rapines, la mère nostalgique du passé en bord de mer, raconte des histoires à ses deux filles. June, l’aînée, se souvient encore du temps des bonbons, des copains et de l’école. La narratrice, Gemma, n’a toujours connu que le Sanctuaire et elle manie à la perfection l’arc et les couteaux pour anéantir les oiseaux leurs pires ennemis, ou des proies comestibles. Un jour cependant, elle tombe nez à nez avec un vieil homme qui semble avoir apprivoisé des rapaces. Elle-même s’en approche, constatant que non seulement ils ne présentent aucun danger pour elle, mais la séduisent par leur majestuosité. Un aigle, particulièrement, capte son attention, et l’attirance semble réciproque. Gemma va désormais considérer cette vie en autarcie d’un autre œil.
Entre roman d’anticipation et nature writing, le livre rappelle Dans la forêt ou encore Le Fils de l’homme mais cette relation aux oiseaux est une originalité qui donne un cachet au roman. Les relations familiales, parce qu’elles évoluent dans un huis clos, engendrent forcément tensions et réactions disproportionnées. L’écriture est aussi séduisante qu’efficace, ce roman aux allures de conte ou de fable est donc un concentré (il n’y a que 147 pages) de vigueur, de souffle, d’images où chaque lecteur y trouvera son compte. La fin est superbe. Une belle trouvaille que je dois à Krol, merci !
« En saisissant l’arc, je vacille. A peine, mais cela suffit. Le chevrillard lève la tête. Je ferme les yeux, cesse de respirer. Papa m’a appris Pierre, tu es une pierre. Alors je répète Pierre, je suis une pierre. Une fois, deux fois, trois fois. A la dixième, je relève les paupières. L’animal broute de nouveau. »
« personne n’aura mon secret. C’est mon pépin d’or enrobé de lumière. »
« Et Maman fait ce qu’elle sait le mieux faire. Elle se met à parler. A parler du monde d’avant. Elle dit la mer et les bateaux qui quittent le port. Elle dit les pistes de décollages et les lucioles de la ville quand on atterrit la nuit. Elle dit les gares et leurs horloges au ventre rond. La langue énorme des escaliers qui donnent sur l’avenue et les vendeurs à la sauvette sur les marches. »