En Alaska, le blizzard souffle, et, alors qu’il fallait surtout rester calfeutré chez soi, une jeune femme, Bess, est sortie avec un garçon de 10 ans. Sans explication, sans raison apparente. Quand le père du petit, Benedict, s’en rend compte, il fonce chez Cole et Freeman pour qui l’aident à chercher les deux égarés. Mais Bess a perdu le garçon qui a lâché sa main l’espace d’un court instant. Commence alors une longue marche laborieuse dans une tempête de neige qui contraint les hommes à repenser à leur passé, à leur raison d’être là, dans cet endroit si hostile. Cole est un homme misogyne et froid, Freeman a « perdu » son fils devenu dingue à son retour de la guerre, Benedict revient sur sa relation avec son frère Thomas qui a abandonné la famille si soudainement et Bess est un être aussi fragile que fort qui a survécu à la mort de sa sœur. Chacun va avancer, certains vont se perdre et se retourner, d’autres vont se retrouver pour former une famille « de bric et de broc ».
Dans ce roman qu’on pourrait qualifier de huis clos, les personnages sont enfermés dans un univers blanc, glacial et venteux sans jamais réellement se côtoyer ; chacun est seul avec lui-même et son passé. L’idée est vraiment astucieuse, les chapitres courts équitablement distribués entre les quatre personnages adultes contribuent à accélérer le rythme de cette quête sous la neige. La tension s’épaissit à la manière de cette neige froide et funeste ; s’il s’agit de retrouver le garçon perdu, il s’agit aussi de désensevelir des vérités enfouies bien trop longtemps.
J’ai beaucoup aimé cette lecture prenante, le récit est impeccablement mené, tout est millimétré et parfaitement agencé. Pour un premier roman, chapeau !
« Je m’efforce d’avancer, coûte que coûte, pas à pas, mais je ne suis pas sûre que ça me mènera quelque part. Par moments, au milieu de la neige, j’ai l’impression de voir des formes qui bougent, mais elles s’estompent aussi vite qu’elles sont apparues. Cette maudite neige qui ne peut pas tomber tout droit, comme une bonne pluie bien drue. Pour tenir, j’essaie de me rappeler la Californie, de me souvenir des plages où les parents nous emmenaient chaque week-end. »
« Le gamin est une énigme à part entière. D’où lui vient ce physique ? D’où lui viennent ces aptitudes intellectuelles si inutiles dans un endroit pareil ? C’est un oiseau exotique que j’ai laissé dans la nature, sans défense, sans aptitude à la survie. »