La chasse aux sorcières a duré longtemps et, contrairement à la croyance répandue jusqu’à ce jour, c’est à la Renaissance et non au Moyen-âge qu’elle a causé le plus de tort. Les sorcières sont comparées aux Juifs car les deux groupes semblent être la cause de tous les maux et vices de la Terre. On affuble d’ailleurs les deux d’un long nez crochu. Les sorcières sont généralement celles qui ne sont pas subordonnées à un homme, qui n’ont pas d’enfants, qui vivent seules et détiennent des pouvoirs de guérisseuses. Le livre puise dans des références diverses et variées comme Le Magicien d’Oz, The Handmaid’s Tale, Cruella ou Lana del Rey.
De nos jours, les femmes se sacrifient, elles deviennent mère et mettent ainsi une croix sur une partie de leur vie personnelle et professionnelle. Pourquoi ? parce la femme pense toujours qu’il est plus important que son enfant réussisse et il passera avant elle. C’est sur les femmes que repose « la responsabilité d’assurer la réussite future de leurs propres enfants. » La paternité ne nuit en rien à la carrière d’un homme alors que la maternité peut chambouler ou mettre un terme à une vie professionnelle. L’art de la conciliation a le vent en poupe ou comment ne rien refuser et tout réussir (mariage, enfants, carrière, sport, loisirs, culture) - à condition de ne plus vouloir dormir ?!
Ce qui me semble l’acmé du livre évoque le désir d’enfants et, au contraire, les femmes qui n’en veulent pas, sujet encore tabou. Pire, les femmes qui ont eu des enfants et le regrettent vraiment, non qu’elles n’aiment pas leur progéniture mais qu’elles se sentent étouffées par elle, complètement brimées dans leur accomplissement de femmes.
Pourquoi les hommes, après un certain âge, quittent-ils souvent leur femme pour une plus jeune ? Parce qu’ils ont besoin de dominer à un âge où leur compagne a tendance à s’émanciper, à assumer une « assurance intolérable » ; l’expérience, chez la femme, a quelque chose de menaçant.
Je lis rarement des essais et cette version audio (lue par Aline Afanoukoé) avec cette thématique précisément, m’a beaucoup plu. Mieux, elle m’a ouvert un horizon que je devinais sans savoir y poser des mots. Aujourd’hui, celle qui vit seule par choix est encore regardée de travers, c’est notre sorcière moderne à nous. Plus largement, vous l’aurez compris, ce livre évoque la condition de la femme qui ne rentre pas dans ce fameux moule de la mère de famille, de la parfaite ménagère, de celle qui se tait. C’est un discours parfois évident mais fort qui révèle les forces multiples de la femme qu’elle n’ose encore trop souvent pas assumées. La partie consacrée aux femmes qui assument le fait de ne pas vouloir d’enfants et à celles qui disent regretter d’en avoir fait m’a vraiment ouvert les yeux sur une pensée séculaire qui persécute les femmes qui n’en ont elles-mêmes pas conscience. Ce documentaire m’a donné un souffle nouveau, il permet de sonder un peu plus profondément ce que nous sommes réellement et de nous connaître mieux. C’est assez stupéfiant. Un livre à faire lire à toutes les femmes. Et à les tous les hommes (je serais curieuse de savoir quel pourcentage de lecteurs est masculin …) Une très belle découverte régénérante.
« être une femme pouvait signifier un pouvoir supplémentaire alors que jusque-là une impression diffuse me suggérait que c’était plutôt le contraire. »
« La sorcière incarne la femme affranchie de toutes les dominations, de toutes les limitations. Elle est un idéal vers lequel tendre, elle montre la voie. Une victime des modernes et non des anciens. »
Il faut que les femmes « apprennent à se défendre face à la culpabilisation et à l’intimidation, qu’elles prennent au sérieux leurs aspirations, qu’elles les préservent avec une inflexibilité totale face à la figure d’autorité masculine qui tente de les détourner leur énergie à leur profit. »