Le père, la mère et le fils font un long voyage à travers les montagnes. Bloquée par un arbre tombé en travers de la route, la voiture restera là et les trois personnages poursuivront leur long chemin à pied jusqu’aux Roches, cette masure perdue dans la montagne, loin de tout. C’est le père qui a voulu retrouver la maison de son enfance. Après avoir abandonné femme et enfant pendant plusieurs années, il est revenu, leur a fait quitter la ville pour cette nature sauvage et âpre. Les semaines et les mois passent dans un inconfort dérangeant pour le fils et la mère enceinte. Tout bascule une nuit d’orage. Il n’est bientôt plus question, pour la mère et le fils, que de fuir cet endroit.
Ce qui frappe dès la première page, c’est la beauté de l’écriture, ciselée, fouillée, grandiose et élégante. Et c’est cette même écriture qui m’a laissée longtemps en dehors de cette histoire. Je l’ai contemplée et admirée de loin, sans me sentir réellement concernée. J’ai donc mis plus de temps que les personnages à arriver aux Roches mais une fois là-haut, je m’y suis plu malgré le contexte dérangeant qui met le lecteur mal à l’aise. Cet homme, claustré dans son obsession qui est de restaurer la vieille maison de son père, enferme les êtres qu’il semble pourtant aimer dans sa lubie. Et la nature, plus inquiétante que rassurante, enveloppe ces êtres plus qu’elle ne les couve, les cingle de ses rudesses, les brutalise sans indulgence. Ils n’en ressortiront pas indemnes, le lecteur le devine d’emblée et le prologue trouve sa force dans les dernières lignes du roman. Malgré une première partie que j’ai eu du mal à apprivoiser, j’ai finalement beaucoup aimé ce roman et demande à lire autre chose de ce romancier incontestablement doué.
Les trois personnages ne seront jamais nommés : « Les aubes parme succèdent aux nuits étincelantes que le fils n’a jamais connues si pures, avec leurs astres enchâssés dans une obscurité parfaite. Il reste parfois dehors, le soir, au début de l’été, dans le parfum es herbes fermentées, lorsque la terre exhale la chaleur accumulée tout le jour, par moments traversée de courants d’air froid, et que les ténèbres bruissent du frissonnement et des cris perçants des oiseaux de nuit. Il s’assied au-delà de l’aura de clarté diffuse qui émane de la maison, pour contempler la voûte enténébrée où brillent des feux d’avant même le monde, sentant sous lui la présence de la terre, l’immensité de la terre. »