En Syrie, Adam, un agent double, doit fuir mais, dans un premier temps, pour ne pas se faire remarquer, il envoie sa femme Nora et sa petite fille Maya rejoindre l’Europe avant lui. Le pari est risqué mais grâce à certains contacts, elles parviennent à sortir du pays avant de rejoindre la Lybie via l’Israël. De là part un Zodiac de quinze mètres empli de réfugiés, tous serrés les uns contre les autres. Et la petite Maya tousse, elle risque de faire repérer le bateau durant cette sortie nocturne, elle risque aussi de contaminer les autres… Quelques centaines de kilomètres plus loin, le lieutenant Bastien Miller prend ses nouvelles fonctions au commissariat de Calais. Il découvre la Jungle, cet immense bidonville où sont entassés les réfugiés qui espèrent passer en Angleterre. Le manque de personnel et les réflexions malveillantes de certains collègues agacent Bastien mais c’est un homme juste et bon, l’avenir le prouvera. Adam parvient finalement à atteindre la Jungle seul, à la recherche de sa femme et de sa fille, introuvables… Les deux hommes vont se rencontrer, un petit garçon persécuté qu’Adam aura sauvé viendra compléter le trio.
Mais quelle claque formidable que ce roman ! Je ne sais pas pourquoi il est classé parmi les polars parce que - et je respecte cette catégorie - c’est bien plus qu’un polar, c’est un roman poignant, sensible, humain, glaçant de vérité. Il porte bien son titre, deux univers diamétralement opposés se rencontrent et c’est le choc. Olivier Norek ne prend pas position, il nous emmène discuter avec les flics qui sont rompus à cette « chasse » aux migrants et également auprès des Calaisiens pour qui la vie a changé, bouleversant l’économie, fermant les boutiques et stoppant la venue des touristes. Quant aux réfugiés et à leur formidable espoir de s’en sortir, ils ne sont pas non plus dépeints de façon manichéenne, il y a les salauds, ceux qui se méfient et quelques anges. J’avais ressenti le même genre d’émotions à la lecture des Échoués de Pascal Manoukian ou d’Eldorado de Gaudé, ou encore en regardant La Pirogue de Moussa Touré. Des passages indispensables pour relativiser nos petits problèmes du quotidien.
Un coup de cœur !
Le tragique voyage de Nora et Maya : « Alors qu’il restait encore de nombreux passagers à imbriquer dans la masse déjà compacte de migrants, une vague frappa plein flanc et jeta en pluie dense plusieurs centaines de litres d’eau salée au-dessus d’eux. Ils voyaient encore la plage qu’ils étaient déjà transis de froid. Dans près de cinq cents kilomètres, ils auraient rejoint le port de Pozzalo, en Italie. Cela pouvait prendre une nuit. Comme trois. »
Ça n’arrange personne que les flics interpellent les migrants quand il n’y pas meurtre. Donc la police se contente de les éloigner de l’autoroute pour qu’ils ne montent pas dans les camions : « On tire tellement de grenades lacrymo qu’elles arrivent toutes les semaines par palettes. Il y en a plus à Calais qu’à la réserve nationale du RAID. D’après le commissaire, on en a claqué pour près de deux millions d’euros en une année. Et pour zéro interpellation. »
J'avais lu Surtensions du même auteur, excellent polar.