GieDré est née en Lituanie où elle a grandi dans un climat de naïveté totale et d’ignorance. En effet, avant l’indépendance du pays, communisme et précarité régnaient pour presque tout le monde ; seuls les apparatchiks avaient des droits et des privilèges mais le commun des mortels était sans cesse espionné, gardait une boîte de petits pois pour le repas de Noël tant la denrée était rare, s’émerveillait en buvant du vrai café, ne parvenait jamais à acheter deux meubles assortis, faisait la queue pour se procurer tel ou tel aliment qui n’était même pas choisi. Méfiance et système D dans un pays qui fabrique des athlètes champions, on le sait bien. GiedRé va grandir et connaître l’indépendance qui a suivi cette formidable chaîne humaine ralliant la Lituanie, la Lettonie et l’Estonie. Encore enfant, elle va gagner la France avec sa mère.
On retrouve la candeur du style de la narration dans le dessin enfantin et coloré ; et c’est une vraie réussite. Dépourvu de pathos et d’auto-apitoiement, le récit délivre des faits, une vie qui n’était pas idéale mais qui, pour une enfant qui n’a rien connu d’autre, avait aussi ses bons côtés. Solidarité et partage prenaient tout leur sens. Quand un enfant recevait, ô miracle, un chewing-gum par un oncle revenu de l’étranger, il appelait tous les enfants du quartier qui s’asseyaient en cercle, « et on avait tous le droit de mâcher le chewing-gum pendant une minute, chacun son tour. C’était vraiment trop bon. Sauf quand on était le dernier, où c’était un peu moins bon, mais bon quand même. » Le récit est touchant et drôle à la fois, agrémenté de la dimension autobiographique : c’est la mère de GiedRé qui lui a raconté ses souvenirs. J’ai offert l’album à ma fille qui a adoré au point de le relire. On retrouve l’ironie et l’humour de la jeune femme dans ses chansons que vous invite à découvrir sur son site.
Un seul bémol : les fautes d’orthographe – il y en a même sur la quatrième de couverture.
« Sortir du pays était interdit. A vrai dire, on n’y pensait même pas. Parfois, on pouvait avoir l’autorisation d’aller dans un autre pays de l’Union, pour le travail, par exemple. Et si on connaissait quelqu’un qui partait, c’était la MÉGA-CHANCE car de temps en temps, il rapportait des trucs comme par exemple une gomme. Et alors c’était la fête dans toute la classe. Et on la découpait en autant de petits bouts qu’il y avait d’enfants. Et chacun en avait un petit morceau. »