Gérald Thomassin est un homme étrange. Elevé (ou pas vraiment justement…) par une mère alcoolique et dépravée, il devient acteur à partir du moment où il décroche - par hasard - le rôle principal dans Le Petit Criminel de Jacques Doillon en 1990, il a alors 16 ans. Mais ce n’est pas ce qui nous intéresse. L’essentiel réside dans ce gros bourg de l’Ain, Montréal-la-Cluse, où Thomassin a élu domicile en 2007, et plus précisément dans un minuscule bureau de poste où Catherine Burgod, une quarantenaire enceinte, a été assassinée à coups de couteau. L’enquête piétine. Thomassin a mal tourné, il vit de quelques euros, est souvent ivre, sous Subutex. Ses deux copains, Tintin et Rambouille, trouvent qu’il parle souvent du crime de la poste. Deux dames croisées près de la tombe de Catherine, s’inquiètent pour les mêmes raisons, et en plus il sait décrire la scène du crime avec précision. Mais Thomassin n’a ni mobile ni indices ni ADN qui le confondraient. Il continue à tenir des propos bizarres, très souvent en lien avec le meurtre. Puis il fuit la petite ville pour Rochefort.
On l’a entendu souvent, Florence Aubenas n’est pas seulement journaliste, elle est aussi écrivaine. Il est vrai que les qualités d’écriture du roman sont indéniables, elle sait happer le lecteur, trouver le mot juste, ménager le suspense. Au-delà de cette affaire digne effectivement d’un récit policier, c’est une photographie d’un coin de France rurale qui nous est donnée à voir, avec ses ragots, son apparente tranquillité, ses habitants pas si banals qu’il n’y paraît à première vue (ben oui…). On sent un travail de recherche poussé et abouti, des recherches minutieuses. J’émettrais un petit bémol, une légère lassitude a point mi-parcours, liée sans doute au personnage tête à claques, un looser de premier ordre, qui oscille entre bêtise, folie et cruauté. Mais c’est aussi sa complexité qui rend l’ouvrage intéressant.
Le père de Catherine – à plaindre, évidemment : « Plusieurs fois par semaine, les gendarmes ont pris l’habitude de passer aux nouvelles chez Raymond Burgod, dans le vieux village. Ils le trouvent rarement seul. Sa cuisine a été surnommée « le QG », il y a toujours un visiteur, journaliste, voisin, collègue. »