Une jeune femme occidentale, Anaïse, vient en Haïti, retrouver les traces d’un père disparu. C’est Thomas qui la conduit vers Anse-à-Fôleur, un village côtier aux mœurs particulières. Dans un long monologue qui interpelle souvent Anaïse (et, à travers elle, le lecteur) sans la laisser répondre, il évoque le mystérieux incendie qui a ravagé deux maisons jumelles qui ont brûlé « sans bruit, sans compte, sans attirer un seul regard, à ras le sol, dans une parfaite égalité de catastrophe, et ne constituaient plus que deux petits tas de cendres jumelles dont le volume diminuait au fil des heures, le vent prenant sur lui de les disperser dans la mer. » Il y a vingt ans de cela, deux morts étaient à déplorer : celle d’un colonel et celle du grand-père d’Anaïse. Dans une seconde partie, Anaïse prendra à son tour la parole pour céder sa place à un narrateur externe dans un dernier court chapitre.
S’il y a bien une chose qui surprend dès les premières pages, c’est l’écriture ! Belle et envoûtante, elle nous emporte tout de suite en Haïti avec une force incroyable ; c’est bien simple : les deux tiers du livre seraient à recopier. Avec une poésie d’une beauté captivante, l’auteur, amoureux de son île, nous en offre une vision qui écrase toutes nos croyances de misérables Européens ignares. Il explore aussi les méandres de cette rencontre si complexe entre l’autochtone et l’autre, celui venu des ces grandes villes et de ces contrées modernes. Je n’ai qu’un reproche à faire, c’est de privilégier la forme au détriment de l’intrigue. La fin m’a un peu perdue, l’absence de paragraphes n’aidant pas, mais je crois tout de même que j’ai découvert un écrivain qui va devenir précieux et important à mes yeux.
Dernière escale dans ce voyage latino-américain ! Je remercie encore Goran et Inganmic, sans qui je n’aurais pas lu tous ces récits. Le voyage fut beau !
« Le génie des gens bien consiste à passer leur vie à mener une longue guerre contre l’inévitable. Ils meurent lentement, se préservent, se momifient de leur vivant comme une mesure préparatoire pour perdurer dans l’au-delà (…) Dans le lieu-dit d’Anse-à-Fôleur, quand la mort menace un adulte, on lui fait des blagues et on lui chante des chansons gaies, et il rit sans forcer. Et, homme ou femme, on lui offre la possibilité de faire l’amour avec une personne qu’il désirait depuis longtemps.»
« je n’ai touché jusqu’ici que le ciel que je voyais de ma fenêtre. Les seuls humains que je connais sont ceux avec lesquels j’ai grandi. Je cherche d’autres ciels. Pour augmenter ma part de paysages humains. »
« au bout de son voyage elle aura rencontré la superbe, criminelle, naïve, contagieuse et si simple obsession d’un devoir de merveille. »