Non seulement je n’avais jamais lu ce roman mais c’est une première pour cette romancière aussi !
A Longbourn, dans un comté au nord de Londres. Les Bennett comptent cinq filles, et hélas ! aucun garçon n’a vu le jour, ce qui signifie aussi que le domaine va revenir à un cousin, Mr Collins, les filles ne pouvant en hériter. L’urgence est de marier ces cinq filles, c’est le plus grand souhait de Mrs Bennett, une femme assez grossière et trop bavarde. L’aînée, Jane, se voit assez rapidement promise au beau Mr Bingley, mais les prémisses de leur union sont remises en question quand Bingley disparaît à Londres sans intention de revenir. Son meilleur ami, Mr Darcy, semble attiré par Elizabeth mais le beau jeune homme se distingue par son orgueil et son apparence froide et vaniteuse ; personne ne l’apprécie vraiment. Des rumeurs sur son passé provoquent même, chez Elizabeth, une profonde antipathie. Lydia, la plus jeune des sœurs, à 15 ans seulement, fuit avec un homme… c’est le scandale, toute la famille risque honte et déshonneur. Charlotte, une amie des sœurs, accepte d’épouser Mr Collins, un homme lourdaud et plutôt imbécile, au plus grand étonnement de la famille (c’est tout de même Elizabeth que Mr Collins voulait d’abord épouser !) Un dénouement des plus heureux va clore cet imbroglio de sentiments et aplanir toutes les tensions.
Lacune comblée. Qu’en dire maintenant ? L’écriture m’a éblouie, le style est aussi raffiné qu’élégant et cette plongée dans l’Angleterre de la fin du XVIIIème siècle est à la fois fascinante et effrayante. Les bonnes manières côtoient l’hypocrisie et, il faut bien l’admettre, toutes les femmes paraissent être de grandes cruches dans ce roman. Jane Austen parvient à appuyer sur le ridicule de la condition de la femme dans un monde patriarcal où la richesse constitue la valeur ultime. Lorsque Lydia disparaît avec son amoureux, on souffle quand même à la mère qu’il vaudrait mieux pour elle que sa fille soit morte plutôt que de subir un tel affront. Elizabeth pourrait être celle qui surpasse les autres par son intelligence et son « abominable esprit d’indépendance » mais elle commet aussi des erreurs de jugement et lorsque Darcy lui demande quand elle est réellement tombée amoureuse de lui, elle lui répond que c’est surtout quand elle a découvert sa belle demeure et ses vastes jardins… Certains passages sont vraiment drôles : une jeune femme en admiration totale devant un homme écrivant une lettre (son écriture, son vocabulaire, whouah, tout la met en extase !), le personnage de Lady Catherine que vénère tellement Mr Collins et qui sème la tyrannie dans son entourage, cet usage qui veut qu’on ne s’adresse pas à un inconnu sans avoir été, au préalable, présenté par un intermédiaire. Cette satire pointe du doigt les travers d’une société étriquée faite de faux-semblants et c’est assez incroyable de se dire que cette féministe avant l’heure a fait publier ce roman en 1813. Je suis évidemment enchantée d’avoir enfin découvert ce classique !
Les cinq sœurs vues par … leur père : « elles n’ont pas grand-chose pour les recommander les unes ni les autres, elles sont sottes et ignorantes comme toutes les jeunes filles. Lizzy, pourtant, a un peu plus d’esprit que ses sœurs. »
« le bonheur en ménage est pure affaire de hasard »
« Pourquoi sommes-nous au monde, sinon pour amuser nos voisins et rire d’eux à notre tour ? »
J'ai enchaîné avec le film de Joe Wright avec la belle Keira Knightley. Si l'esthétique est irréprochable, les acteurs plutôt bons, j'ai trouvé ça d'un mièvre ! Tant mieux si des jeunes filles en fleurs parviennent à lire Jane Austen grâce au roman mais je pense quand même que l'adaptation ne lui rend pas honneur en le transformant en une bluette qui frise le ridicule. Je n'ai pas trouvé Darcy très crédible (ni très beau mais ça n'est que mon opinion...) et je ne suis pas sûre que la dimension satirique de l'oeuvre soit palpable.