Dans les environs de Metz. Le narrateur, veuf depuis peu, agent SNCF, est père de deux garçons. Frédéric alias Fus, un génie du ballon rond a toujours fait sa fierté. Pas vraiment doué pour les études, il est cependant un gamin très bien. Gillou, le cadet, s’entend bien avec lui et les trois hommes parviennent petit à petit à combler le vide laissé par la mort de la mère. Mais un jour, le père découvre que Fus traîne avec des gars du FN. Lui qui a toujours été à gauche, même très à gauche, ne comprend pas. Lorsqu’il apprend que son aîné va jusqu’à coller des tracts fachos, le lien est rompu, les deux ne se parlent plus. Ils vivent ensemble, s’évertuent à trouver un logement à Paris pour Gillou qui va poursuivre ses études, ils se côtoient sans vraiment s’estimer. Ils se tôlèrent, s’évitent et gardent leurs distances. Quand la tragédie survient, le père ne sait plus où se situer entre ses valeurs fondamentales et l’amour pour son fils.
Quel bonheur de tomber sur ce livre ! Voilà un court roman prenant, parfaitement ficelé, intelligent, et subtil. En tant que parent, on ne peut qu’être fortement chamboulé par cette réflexion sur un père qui ne reconnaît plus son fils. Les thèmes de la responsabilité, de l’amour paternel et fraternel, du soutien face au pire et même de l’embrigadement des jeunes dans les mouvements extrémistes sont traités de manière juste et sensible. Je n’ai pu m’empêcher de penser à Nicolas Mathieu car le lieu – cette Lorraine oubliée - ainsi que la dimension réaliste rapprochent les deux écrivains aussi bien que cette écriture simple mais tellement efficace. Et le ton monte, et l’écriture gagne en puissance, et le beau titre inspiré de Supervielle s’explique si joliment à la fin. Pour un premier roman : chapeau !
C’est un coup de cœur !
Parce que j’habite juste à côté : « Août, c’est le meilleur mois dans noter coin. La saison des mirabelles. La lumière vers les cinq heures de l’après-midi est la plus belle qu’on peut voir de toute l’année. Dorée, puissante, sucrée et pourtant pleine de fraîcheur. Déjà pénétrée de l’automne, traversée de zestes de vert de bleu. Cette lumière, c’est nous. Elle est belle, mais elle ne s’attarde pas, elle annonce déjà la suite. Elle contient en elle le moins bien, les jours qui vont rapidement refroidir. Il y a rarement des étés indiens en Lorraine. »
« Est-ce qu’on est toujours responsable de ce qui nous arrive ? Je ne me posais pas la question pour lui, mais pour moi. Je ne pensais pas mériter tout ça, mais peut-être que c’était une vue de l’esprit, peut-être que je méritais bel et bien tout ce qui m’arrivait et que je n’avais pas fait ce qu’il fallait. »