Janina Doucheyko vit seule sur un plateau aux hivers hostiles, en Pologne, tout près de la frontière tchèque. D’un certain âge, férue d’astrologie, appréciant et respectant beaucoup les animaux, cette ancienne ingénieure des ponts et chaussées regarde souvent d’un œil critique l’espèce humaine qui l’entoure. Et il faut dire qu’entre policiers malhonnêtes et paysans rustres et sauvages, elle est servie. Seul Dyzio trouve grâce à ses yeux, il vient la rejoindre de temps en temps pour qu’ils traduisent ensemble des poèmes de Blake. Un homme est retrouvé mort, puis un autre, puis un troisième. Leur point commun – chasser la bête sauvage avec une cruauté sans nom – n’échappe pas à notre héroïne qui multiplie les lettres adressées à la police et ne manque pas de distribuer les éléments de sa théorie qui consiste à penser que l’animal se venge sur l’homme…
Malgré la chape de plomb de l’étiquette « Prix Nobel », malgré le titre plus que sinistre, j’ai d’emblée trouvé le style de l’autrice gracieux, léger, un brin espiègle, très authentique. On y est, dans cette contrée polonaise où les hommes sont plus sauvages que les animaux, on s’attache à Janina qui déteste son nom, qui veille sur les maisons du voisinage désertées l’hiver et qui passe parfois pour une folle. On se prend même à son jeu, cette passion pour les animaux (les antispécistes y trouveront le bonheur d’ailleurs !) Pourquoi n’en fais-je pas un coup de cœur ? Certains passages notamment ceux dédiés à l’astrologie ne m’ont pas intéressée suffisamment et mon enthousiasme de début de roman s’est un peu essoufflé vers la fin de ma lecture.
Je remercie à la fois Luocine et Keisha pour m’avoir incitée à lire cette autrice qui serait sûrement encore longtemps restée inconnue chez nous sans ce prix Nobel de Littérature.
L’autrice distille de petites touches d’humour par-ci par-là :
Les hommes sont souvent peu loquaces : « J’ai ma théorie sur le sujet. L’âge venant, beaucoup d’hommes souffrent d’une sorte de déficit, que j’appelle « autisme testostéronien ». Il se manifeste par une atrophie progressive de l’intelligence dite sociale et de la capacité à communiquer, et cela handicape également l’expression de la pensée. Atteint de ce mal, l’homme devient taciturne et semble plongé dans sa rêverie. Il éprouve un attrait particulier pour toutes sortes d’appareils et de mécanismes. »
J’adore cette citation : « D’une certaine façon, les gens comme elle, ceux qui manient la plume, j’entends, peuvent être dangereux. On les suspecte tout de suite de mentir, de ne pas être eux-mêmes, de n’être qu’un œil qui ne cesse d’observer, transformant en phrases tout ce qu’il voit ; tant et si bien qu’un écrivain dépouille la réalité de ce qu’elle contient de plus important : l’indicible. »
« Il y a un vieux remède contre les cauchemars qui hantent les nuits, c’est de les raconter à haute voix au-dessus de la cuvette des W.-C., puis de tirer la chasse. »