Lire ce roman après celui de Grisham, c’est sauter à pieds joints dans un autre univers !
Emile Sever vit seul avec son fils Florian. A eux deux, ils triment dans la ferme familiale, causant peu, ruminant sur leur sort : Florian infirme depuis toujours, Emile, veuf depuis trop longtemps. Le souvenir de la mère, Alma, plane sans cesse au-dessus du duo. Sans avoir prévenu, Emile embauche une servante, qui, va devenir - au bout d’un an - la femme de Florian, parce que le père le souhaite, se sachant malade. Mais Florian n’est nullement attiré par la servante et la servante va voir ailleurs avant de mettre au monde un enfant qu’elle va avoir du mal à aimer avant de lui dévouer un amour exclusif.
Cet univers âpre empli de non-dits et de secrets qu’on ne révélera jamais sent fort la campagne et l’authenticité. Dans un huis clos aux allures de tragédie, les personnages évoluent chacun dans leur coin sans communication possible entre eux. Une photographie d’un univers où préjugés et méfiance ont hélas ! la vie longue. Certains trouveront ça exagéré, moi, pour avoir vécu dans ce genre de coin perdu, je dirais que c’est assez juste. J’ai aussi apprécié l’absence de jugement de l’autrice vis-à-vis de ses personnages, elle ne prend pas parti, sauf à la toute fin et c’est fait avec panache. Des phrases simples, denses, parfois elliptiques mais toujours bien tournées, collent parfaitement à la rudesse de ce monde rural qui n’est pas non plus dénué de poésie. On pense à Joncour, Cécile Coulon, Mauriac. Un roman vite lu, que signe une autrice québécoise dont je découvre la plume avec plaisir. J’ai beaucoup aimé.
- Première lecture de la rentrée littéraire -
« A présent, il refusait de croire que les défunts condamnaient les vivants, si abjectes fussent leurs actions. Il ne croyait pas davantage que les morts veillaient sur ceux qu’ils avaient aimés et qu’ils leur venaient en aide dans les moments de détresse. Au lieu de se jeter à l’eau, il s’étais mis à courir comme un fou pour s’éloigner de la rivière. Alma n’y était toutefois pour rien. Ni Dieu ni personne ne l’avaient protégé. »