Plus que séduite par Le chanteur perdu, il me fallait découvrir un autre titre de Tronchet.
L’autrice et narratrice nous parle de ses parents et en particulier de son père, contraint à l’exil. Alain Mercadal vit à Alger mais sa femme (enceinte alors de la narratrice), sa mère et sa sœur ont déjà fui à Paris. Lorsqu’il assiste à un attentat et tient dans ses bras un enfant mort, Alain n’a plus le choix : il s’en va, lui aussi. Pensant recevoir bon accueil en France, il va de désillusions en déceptions : la boîte d’assurances qui l’embauchait ne lui réserve qu’un petit poste, la maison de rêve qu’il pensait construire n’est qu’une petite bicoque de banlieue et, partout, on l’insulte, on le maltraite, on le rejette. Les vacances à Banuyls qui ressemble tant à l’Algérie, les soirées à écouter Gershwin et la cuisine maghrébine ne sont qu’une courte parenthèse. La routine reprend le dessus, le père n’est qu’un souffre-douleur éloigné du pays de son cœur, il n’y a ni palmiers, ni plage, ni kemia, … ni quiétude.
Alors que le traumatisme vécu en Algérie le secoue tous les jours, un homme doit se heurter à un nouveau mode de vie, se confronter à la froideur des gens et au gris de Paris. L’album raconte à merveille les déchirements de l’exil, toute cette souffrance contenue, le père voulait faire bonne figure devant sa fille qu’il aimait tant, donner le change et prouver qu’il savait se faire adopter par la France. Cette BD est aussi une formidable déclaration d’amour d’une fille à son père, un hommage rendu avec une pudeur touchante. J’ai beaucoup aimé cette histoire, les dessins et les couleurs de Tronchet s’adaptent au récit émouvant d’Anne Sibran. S’il fallait prouver, encore une fois, qu’un exil forcé n’est jamais un bonheur…
La BD est une adaptation du roman Bleu Figuier d’Anne Sibran.
« Toutes ces années à te regarder, à te suivre, je n’ai écouté que pour trouver les mots. Des mots pour dire l’homme que personne n’a vu, en mêlant le visible et l’invisible, ce qu’il aurait pu être et ce qu’il a été. »