Je continue ma très jolie découverte d’un de mes dessinateurs préférés.
Emmanuel Lepage entreprend de raconter ici la longue et éprouvante construction du phare d’Ar-Men. Au large de l’île de Sein, une zone de récifs extrêmement dangereux. Pour parer aux nombreux naufrages de bateaux, il a été décidé, en 1867, de construire un phare. Oui mais il s’agit, dans un premier temps, d’accéder au rocher choisi et d’y percer des trous. Avec les moyens du XIXème siècle et les conditions météorologiques très défavorables, l’entreprise s’avéra déjà compliquée. En cas de fortes houles -ce qui arrivait souvent- les canots devaient rentrer le plus rapidement au port. Au bout de deux ans, la base est montée mais le ciment choisi se décompose à l’eau de mer. Les chefs des travaux se succèdent, tous plus découragés les uns que les autres mais après une quinzaine d’années, la construction du phare est terminée. On doute cependant de sa stabilité et des travaux de renforcement sont entrepris, ils vont durer une dizaine d’années. Les gardiens, au nombre de trois, se relaient et restent chacun dix jours, contraints à lutter contre la solitude, les aléas climatologiques, l’humidité, chargés de veiller à ce que le feu reste allumé.
Emmanuel Lepage privilégie l’histoire personnelle d’un gardien, Germain, pour nous raconter la grande Histoire. Entre une légende bretonne et le fantôme d’une petite fille noyée, l’endroit devient encore plus hostile et menaçant. C’est aussi un bel hommage rendu aux gardiens de phare, ces héros anonymes. Depuis 1990, le phare est automatisé et les deux derniers gardiens ont été hélitreuillés ; les visites d’entretien se font toujours par hélicoptère et sans doute qu’il n’y a plus personne pour dire « Le feu est clair, tout va bien. » Pour finir, le meilleur : les aquarelles de Lepage qui m’ont encore une fois émerveillée. Il a utilisé toutes les palettes de couleurs (merci !) pour exprimer la sauvagerie et la brutalité de la mer, la petitesse de la construction humaine, laissant une grande place à la houle, aux vagues, au ressac, aux embruns qu’on croit sentir, mais aussi aux oiseaux marins, bécasses, grives, vanneaux qui prennent comme point de départ le phare pour des « contrées pleines de promesses ». Ah, c’est beau ! Allez : coup de cœur !
C’est magnifique, passionnant et effrayant à la fois.