Cela fait des années que je veux relire ce bon gros bouquin et qu’est-ce qui m’a enfin donné envie de m’y replonger ? Le film Le Cercle littéraire de Guernesey de Mike Newell (pour la petite histoire, je n’avais pas spécialement aimé le livre un peu trop gnognotte pour moi et j’ai adoré le film, comme quoi !) Parenthèse refermée.
Mr Lockwood tient à rendre visite à son voisin et propriétaire, Mr Heathcliff. Il tombe sur un rustre qui a le « physique d’un bohémien au teint basané, le vêtement et les manières d’un gentleman », une jeune femme timorée qui se révèle être sa belle-fille Catherine et un type simplet et lourdaud, Hareton, qui n’a pas droit à la parole. Cette ambiance lugubre amène Mr Lockwood à poser des questions à sa femme de charge, Nelly. C’est ainsi que cette seconde narratrice revient cinquante ans en arrière, raconter l’histoire de cette demeure, « Les Hauts de Hurle-vent »). Mr Earnshaw avait deux enfants, Catherine et Lindley lorsqu’il adopte un enfant trouvé, Heathcliff. Alors que Catherine et Heathcliff nouent une amitié très forte, une haine réciproque menace immédiatement les deux garçons. A la mort du père, Lindley devient le chef de famille et rabroue autant qu’il peut ce frère adoptif qu’il déteste. Marié à Frances qui mourra très vite, il sombre dans l’alcool. Heathcliff et Catherine se rapprochent de plus en plus mais la jeune femme, impulsive, épouse Edgar Linton. Commence alors le long processus de vengeance : Heathcliff épouse Isabelle, sœur d’Edgar, qu’il déteste pourtant et fera payer à Catherine sa trahison mais également la descendance de Catherine et de Lindley à la mort du frère et de la sœur. Toute sa vie, Heathcliff n’aura de cesse de maltraiter son entourage, de se torturer soi-même dans un seul but : retrouver Catherine, son unique amour, vivante ou morte ! Oui, il faut bien s’accrocher pour tout comprendre d’autant plus que Catherine va avoir une fille qui portera le même nom. Les narrateurs se multiplient et les bouleversements chronologiques sont nombreux.
La magie a opéré ! J’ai été envoûtée, emportée, subjuguée par cet endroit hostile, balayé par les vents, ces êtres tous plus rustres et machiavéliques les uns que les autres. Mes souvenirs ont vraiment édulcoré les personnages qui sont, à quelques rares exceptions près orgueilleux, rancuniers, capricieux, hypocrites, insolents. Il en résulte une violence permanente parfois sous-jacente, souvent clairement exprimée. Et je crois que c’est ce qui permet de maintenir la pression : on a hâte de voir les personnages devenir meilleurs (ou mourir !), en tous cas sortir de cet engrenage infernal !
On pourra seulement regretter qu’Emily Brontë n’ait pas d’autres titres aussi magnifiques à nous offrir : elle est morte à trente ans de la tuberculose.
Des retrouvailles entre Heathcliff et Catherine : « Lui ne leva pas souvent les yeux sur elle. Un rapide regard de temps à autre suffisait ; mais ce regard reflétait, chaque fois avec plus d’assurance, le délice dissimulé qu’il buvait dans le sien. Ils étaient trop absorbés dans leur joie mutuelle pour se sentir embarrassés. »
« Comme c’est étrange ! Bien que tous se détestent et se méprisent l’un l’autre, je pensais qu’ils ne pouvaient s’empêcher de m’aimer. Et en quelques heures tous sont devenus mes ennemis ; ils le sont devenus, j’en suis certaine, ces gens d’ici. Comme il est terrible d’affronter la mort, entourée de ces visages de glace ! »
Catherine à son mari Edgar (j‘adore !) : « Ah ! vous voici donc, n’est-ce pas, Edgar Linton ? dit-elle avec une animation courroucée. Vous êtes un de ces êtres qu’on trouve toujours quand on en a le moins besoin, et qu’on ne trouve jamais quand on en a besoin ! Je suppose que nous allons avoir un déluge de lamentations maintenant. . . je le vois venir. . . »
Un des plus beaux passages ; Heathcliff, à la mort de son amante : « Puisse-t-elle se réveiller dans les tourments ! cria-t-il avec une véhémence terrible, frappant du pied et gémissant, en proie à une crise soudaine d’insurmontable passion. Elle aura donc menti jusqu’au bout ! Où est-elle ! Pas là. . . pas au ciel. . . pas anéantie. . . où ? Oh ! tu disais que tu n’avais pas souci de mes souffrances. Et moi, je fais une prière. . . je la répète jusqu’à ce que ma langue s’engourdisse : Catherine Earnshaw, puisses-tu ne pas trouver le repos tant que je vivrai ! Tu dis que je t’ai tuée, hante-moi, alors ! Les victimes hantent leurs meurtriers, je crois. Je sais que des fantômes ont erré sur la terre. Sois toujours avec moi. . . prends n’importe quelle forme. . . rends-moi fou ! mais ne me laisse pas dans cet abîme où je ne puis te trouver. Oh ! Dieu ! c’est indicible ! je ne peux pas vivre sans ma vie ! je ne peux pas vivre sans mon âme ! »
« Mais la traîtrise et la violence sont des lances à deux pointes ; elles blessent ceux qui y ont recours plus grièvement que leurs ennemis. »
De nombreuses éditions existent évidemment, la mienne, une très ancienne "Les Cent Livres" semble avoir disparu. (Et vous avez remarqué : Hurlevent en un mot ou en deux? Telle est la question…)