Gabriel est un Français qui possède un domaine vaste et luxuriant, quelque part en Afrique équatoriale. L’album débute sur sa mort, une attaque violente et brève qui le laisse inerte devant sa jeep. Par de captivants retours en arrière, le lecteur découvre le passé du bonhomme qui, avec son profil à la Gainsbourg, s’est bousillé la vie à grands renforts de cigarettes et d’alcool. Marié à Paris, père de trois enfants qu’il abandonne momentanément pour vivre dans la débauche et les petites escroqueries, il récupère ses deux aînés et les emmène en Afrique, espérant faire prospérer son domaine. Mais, non seulement il est incapable de s’occuper de ses enfants mais il ne fait que s’endetter faisant de mauvais choix, rencontrant de mauvaises personnes. Les enfants vont grandir entre Afrique et Paris, tantôt vénérant un père hors du commun, tantôt détestant cet homme qui les abandonne si souvent.
L’auteur de Peirera prétend nous surprend encore une fois. Formidable conteur, ce dessinateur hors pair nous emmène dans une nature verdoyante, abondante et sauvage où vont grandir deux adolescents déboussolés et pourtant très vite amoureux des paysages qui les entourent. Cumulant les défauts, le père est à la fois agaçant et attachant. Peu fiable, alcoolique, fumeur, menteur, trompeur, violent, colérique, il aime ses enfants à sa manière mais fait passer son domaine avant eux. J’ai beaucoup aimé la fin qui appelle à faire preuve d’indulgence et de tolérance. Absolument pas manichéen, l’album (inspiré de la vie de l’auteur) met en valeur la particularité d’une famille pas plus mauvaise ni meilleure qu’une autre. Tout y est, le plaisir de la lecture pour un texte bien écrit, le plaisir des yeux devant des planches de toute beauté. Bravo Monsieur Gomont !