Julia, surnommée Turtle, vit seule avec Martin, son père, dans une maison isolée dans la forêt. Martin est un homme intelligent, cultivé, fort et toutefois sauvage, fou, barbare, possessif, imprévisible. Il a appris à sa fille à manier les armes à feu et à survivre dans la nature. Une relation incestueuse entre père et fille crée, aussi dingue que ça puisse sembler, un certain équilibre où l’un ne peut fonctionner sans l’autre. Pourtant, Turtle va être livrée à elle-même pendant quelques semaines, temps où elle apprendra à côtoyer d’autres personnes, son professeur, deux lycéens et leur famille respective, où elle apprendra à se défaire de l’emprise paternelle. Martin reviendra accompagné d’une petite fille trouvée ; jalouse, Turtle sera partagée entre le soulagement de revoir son père et l’effroi devant son attitude avec la petite Cayenne. Pour se sortir d’une situation embourbée et plus que malsaine, Turtle comprend vite qu’elle n’a plus qu’une seule solution.
D’emblée, je dois dire que je n’ai pas ressenti l’enthousiasme de la plupart des lecteurs et je ne ferai pas un coup de cœur de cette lecture. Cette gamine qui trimballe et nettoie constamment ses armes m’a fait froid dans le dos, ce qui n’est rien par rapport à la nausée que j’ai pu éprouvée pour certains passages. Et que dire des dialogues où « Putain » et « connasse » deviennent une rengaine un peu trop familière. Pourtant, ce roman est assez exceptionnel, j’en conviens. Récit d’apprentissage pour une fille dont les racines sont corrompues, dont les repères sont complètement faussés, pour qui amour rime avec violence. Que faire d’un être tellement adoré et tellement haï à la fois, celui qu’on aime plus que tout au monde, celui qui nous a tout appris et aussi celui qui nous détruit ? Dans une nature foisonnante, insolente, envahissante et totalement indifférente à la bestialité de l’homme, celle que son père appelle « Croquette » sait se débrouiller sans problème mais les relations humaines sont un vaste champ à peine exploré où elle titube, maltraitée par les recommandations et les conseils de Martin. La surenchère de violence, le manque de crédibilité de certains passages m’ont amené à tourner la dernière page avec un franc soulagement. Je ne suis pas contrariée d’avoir lu ce livre (qui m’a fait penser à Hunger games et au sublime Dans la forêt) mais les envies de vomir ne sont pas forcément ce que je recherche. Sans connaître le pays d’origine du romancier, on peut aisément deviner que les actions à foison et le « spectaculaire » sont dignes d’un Américain. Bon, vous l’aurez compris, la balance penche dangereusement vers le Négatif pour ce roman coup de poing qui en a séduit plus d’un (mais pas tous, pas tous !)
Le père : « Tu as manqué de choses, je n’ai pas su te donner tout, mais tu toujours été aimée, Croquette, profondément et inconditionnellement. Et je ferai plus pour toi que ce j’ai u faire jusqu’à présent. Tu seras meilleure et bien davantage que moi. Ne l’oublie jamais. »
Turtle a fugué : « Elle pense, Je l’aime, je l’aime si foutument fort mais, mais laisse-moi prendre un peu le large. Qu’il vienne à ma poursuite. Et on verra bien e qu’il fera, pas vrai ? On joue à un jeu, et je pense qu’il le sait bien ; je le déteste pour quelque chose, quelque chose qu’il fait, il va trop loin et je le déteste, mais je me montre incertaine dans ma haine ; coupable, pleine de doutes et de haine envier moi-même, presque trop pour réussir à le lui reprocher ; c’est moi, ça, une foutue pouffiasse ; […] »
« Au moins tu as ça : tu t’as toi-même, tu peux faire ce que tu veux de toi-même, Turtle. »