J’ai une grande tendresse pour Catherine Meurisse que j’ai découverte, il y a quelques années déjà avec Mes hommes de lettres que j’ai dévoré, prêté, lu et relu.
Lorsque Catherine est encore enfant, elle déménage avec sa sœur Fanny et ses parents en pleine cambrousse, dans une ferme en ruine à retaper. La mère s’occupe des plantes, le père, formidable touche-à-tout, restaure avec patience la maison et les deux sœurs collectionnent les trésors qu’elles trouvent : fossiles, vieux clous, os. Si elles côtoient tout de même d’autres enfants à l’école du village, la petite Catherine se contente de son jardin, de ses plantes, de ses légumes et de son nain de jardin qu’elle aime promener mais aussi dessiner. Solitaire, candide, rêveuse, elle explore son environnement, s'émerveille devant un insecte ou devant les fleurs que ses parents connaissent si bien. Et elle dessine. Son talent sera remarqué et l'emmènera inévitablement loin de son "trou de verdure".
La grande réussite de cet album se comprend au premier coup d’œil : l’effervescence, la luxuriance de la nature apparaît déjà sur la couverture, la beauté des traits de Meurisse représentant plantes, fleurs, arbres, légumes, paysages, murs de pierres éblouit à chaque planche. Cette apologie de l’écologie est accompagnée d’une réflexion sur l’éducation. En effet, le mode de fonctionnement des parents ne repose que sur trois principes : nature, littérature et isolement. Lorsque la famille quitte le cocon, elle découvre lotissements, champs immenses de colza (à bas la monoculture !), concours de l’omelette géante, constructions futuristes affreuses et finalement elle retrouve avec bonheur son Arcadie. Cette enfance pleinement heureuse fait tellement plaisir à voir. Impossible de rester indifférent devant cet éloge d’une campagne ensoleillée et enveloppante en compagnie de Loti, Proust, Rabelais, Baudelaire, Montaigne, Zola ou Racine. Un coup de cœur !
Sagesse du père : « Les arbres nous donnent un sentiment d’éternité. Quand on grandit auprès d’eux, on ne les voit pas pousser. Ils ont l’air d’être là depuis toujours, d’être pour toujours. Si un jour, ta sœur et toi devez vous séparer de cette maison, j’ai fait une bouture de toutes les essences du jardin. Tout est en pot, ici. »