Voui, voui, voui, j'arrive tardivement après la bataille, quand tout le monde a fini depuis longtemps de lire ce livre. J’ai freiné des quatre fers à cause des thèmes que je savais effrayants : la mort d’un enfant et les hôpitaux. C’est en livre audio que je l’ai découvert.
Simon, 19 ans, meurt dans un accident de la route. C’est son cerveau qui ne fonctionne plus, ses organes, le foie, les reins, le cœur et les poumons sont en parfait état. Ses parents, en plus du choc de la nouvelle, se voient proposer l’impensable : disloquer le corps de son fils pour y prélever ce qui peut sauver d’autres. Le tuer une seconde fois, pensent-ils. Pourtant, ils acceptent. Les greffes vont se faire très vite, c’est un marathon dédié à la vie qui suit de près la mort.
Ce roman est dur, touchant, âpre, bouleversant. La voix de l’auteur, que je trouvais de prime abord plutôt monotone et triste, convient, en réalité, parfaitement à son texte. Difficile de conduire et d’entendre des mots qui font si mal, d’assister à une histoire brisée, celle de Simon et de sa jeunesse stoppée si brutalement. Heureusement, il y a l’écriture de l’auteur, si juste, si travaillée, si élégante ; il y a ce souffle de vie qui traverse les pages malgré tout. Le phrasé m’a vraiment épatée, Maylis de Kerangal parvient, dans n’importe quelle situation, à creuser au plus profond, à suggérer toujours davantage, à surprendre et à émerveiller. Quelle artiste ! On sent aussi que les recherches sur les greffes ont été poussées et pointues. Si la mort de ce grand enfant m’a profondément touchée, ce thème de la greffe l’emporte peut-être, il est magnifié et sublimé tout en restant très terre-à-terre, la romancière s’attachant à décrire tous les détails concrets entre donneur, médecins et receveur. C’est une épopée moderne, une seconde chance qu’il ne faut pas négliger.