Fan de théâtre (je sais, ça ne se ressent pas forcément sur ce blog…), amoureuse de Mr Gwyn, je ne pouvais pas ne pas lire cette pièce écrite par le grand Baricco !
Wesson est un pêcheur étrange, il ne pêche que les cadavres souvent des suicidés jetés dans les chutes du Niagara. Smith, qu’il rencontre dans sa cabane de fortune en 1902, n’est pas moins insolite : il est météorologue. Il passe son temps à interroger les gens sur les grands événements de leur vie, et surtout au temps qu’il faisait ce jour-là pour établir des statistiques, infaillibles selon lui. Alors qu’on apprend que Smith est recherché et que Wesson fait régulièrement des cures d’oisiveté, débarque Rachel. Jolie jeune femme, journaliste à la recherche du scoop, Rachel a trouvé une idée extraordinaire : se jeter dans les chutes du Niagara et en sortir vivante. Elle veut associer les deux hommes à l’aventure. Après l’avoir traité de folle, Smith et Wesson songent à l’enfermer dans tonneau sophistiqué, capitonné où elle aurait une petite musique qui lui permet de savoir combien de temps elle peut respirer. Le décompte est lancé, le grand saut aura lieu le 21 juin, la tension monte, les derniers détails sont peaufinés, Rachel a de plus en plus peur…
Si j’ai beaucoup aimé cette pièce à la fois drôle, légère, profonde, un brin absurde et plutôt loufoque, si j’ai adoré certains passages où j’ai bien retrouvé la subtilité poétique de Mr Gwyn, il m’a tout de même manqué un petit quelque chose pour être totalement conquise. La pièce n’est pas découpée en scènes mais en mouvements musicaux dont l’enchaînement ne m’a paru tellement justifié. Les personnages hauts en couleur sont attachants, fantaisistes et pimpants, la réflexion sur la vie associée à celle de la mort nous emmène aussi à réfléchir sur la part de risque qu’on peut prendre ou refuser. Cette Rachel s’apparente à une fée, une sorte de Peter Pan au féminin coincée dans ses idéaux où elle a réussi à embarquer Smith et Wesson, leur offrant ainsi un nouveau parfum de vie.
Avant le grand jour, Rachel a confié ses angoisses à son hôtelière - ce qui la préoccupe le plus -c’est de rester enfermée dans ce tonneau. Mme Higgins : « J’aurais dû lui dire que tous [prennent des risques] enfermés dans leurs peurs, enfermés dans le tonneau maléfique de leurs peurs. Un endroit minuscule, très noir, où on est seul, où on respire difficilement. Il n’y a rien à faire pour changer les choses et on a déjà de la chance si quelqu’un a eu pour nous l’attention de mettre un peu de musique, à l’intérieur ; ou si par hasard un ami nous attend au détour d’une rivière pour nous ramener à la maison. »
« On sème, on récolte, et les deux choses ne sont pas liées. »