Cela faisait quelques années que je voulais lire ce roman !
Dans la petite ville de Holcomb, au Kansas, le 15 novembre 1959, un quadruple meurtre a été commis : un père, une mère, les Clutter ainsi que leurs deux adolescents, Kenyon et Nancy. Non seulement les meurtriers restent introuvables mais les raisons du crime demeurent obscures car aucun objet de valeur n’a été volé et les Clutter étaient des gens très appréciés. C’est Al Dewey qui mène une enquête qui va l’obséder jours et nuits. Dick Hickock et Perry Smith, les deux coupables, poursuivent leur petit bonhomme de chemin, traversent quelques États américains, se rendent au Mexique puis reviennent au Kansas, persuadés qu’on ne les attrapera jamais. C’est un concours de circonstances et pas mal de stupidités de leur part qui permettront leur capture en janvier 1960. S’ensuit un procès très médiatisé qui se termine, je ne pense pas révéler un scoop, par la condamnation à mort des deux meurtriers.
Truman Capote a rédigé son roman à partir d’un fait divers, et, pour ce « roman-vérité » (j’avoue que c’est la première fois que je rencontre cette dénomination), il s’est documenté, a rencontré les deux prisonniers, s’est même installé quelque temps à Holcomb pour recueillir différents témoignages. Et, à sa sortie, juste après la mort de Hickock et Smith, son livre connaît un succès immédiat.
La construction du roman est brillante et participe à la montée du suspens. En insistant d’abord sur la paisible et petite ville d’Holcomb, Capote porte son attention sur la famille Clutter, un modèle d’harmonie, de bonté et de cohésion. Des dizaines de pages sont ensuite consacrés aux meurtriers, à leur passé, à leur personnalité, à leurs motifs qu’on découvre très tard. La dernière partie nous emmène à la fois dans les cellules où attendent les deux hommes mais aussi à leur procès. Ce qui m’a vraiment frappée, c’est la sympathie que dégagent, au final, les deux meurtriers, en particulier, Perry. On le décrit comme étant un homme sensible, efféminé, cultivé et délicat et c’est pourtant lui qui a tiré sur les quatre victimes. A part un passé tourmenté (encore que Dick a eu une enfance plutôt ordinaire et heureuse), rien n’explique leur geste, et c’est bien le plus effrayant. La question de la peine de mort surgit à la fin sans recueillir aucune adhésion, des protagonistes… ou du lecteur. L’histoire est prenante, d’une justesse étonnante, les personnages complexes et intéressants et le résultat, tiré au cordeau, mérite son succès.
Dewey à propos de Perry Smith : « il lui était possible de regarder sans colère l’homme qui était à côté de lui - avec une certaine sympathie, même - car la vie de Perry Smith n’avait pas été un lit de roses mais un cheminement pitoyable, sinistre et solitaire vers une série de mirages. »