Après avoir créé la surprise délicieusement bonne avec La Panne, Dürrenmatt continue à m’impressionner avec ce court roman policier qui porte, encore une fois, sur la justice et le jeu qu’elle pourrait jouer.
Nous sommes en Suisse. Un flic nommé Schmied est retrouvé mort dans sa voiture, un trou dans la tempe. Baerlach, le vieux commissaire malade, bourru et aigri se retrouve affublé d’un collègue aussi jeune qu’avide de réussir. L’enquête mène vite les hommes sur la piste d’un homme richissime, Gastmann, qui organisait des soirées guindées et artistiques auxquelles Schmied participait sous un faux nom. Je ne pense pas en dire trop en révélant que ce Gastmann est une vieille connaissance de Baerlach. A une autre époque, les deux hommes avaient fait un pari démoniaque : Gastmann voulait absolument prouver à son ami qu’on pouvait commettre le crime parfait sans se faire prendre… ce qu’il réussit avec une facilité méphistophélique ! Lorsqu’il est question de rendre justice de quelque manière que ce soit et de se tenir en équilibre entre le Bien et le Mal…
J’ai préféré La Panne mais ce roman est tout aussi surprenant. Encore une fois, une ironie, un ton cynique parcourt l’histoire qui se termine par une belle chute que le lecteur ne peut deviner. Entre faux-semblants et manipulations, le récit - très jouissif!- m'a vraiment fait penser à La Visite de la Vieille dame ! Qu’il me tarde d’en lire encore et encore de cet écrivain !
« quoi qu’il en soit, la presse reste ce qu’on a réussi de plus inutile comme invention depuis deux mille ans ! »
La définition d’un philosophe : « c’est quelqu’un qui ne fait rien et qui pense beaucoup. »
Baerlach est surpris par l’intrusion d’un homme chez lui, la nuit ; il est aux aguets : « De tout son être, il ne restait plus que ce regard enfoncé dans le noir et fouillant chaque molécule des ténèbres ; il ne restait que cette oreille, avide de percevoir le bruit le plus menu, et cette main à bout de bras, crispée sur le froid métal d’une arme à feu. Et lorsqu’il relève enfin la présence ennemie, ce fut tout autrement que là où il l’avait attendue. Sa joue avait été sensible à un imperceptible changement de température ou à quelque mouvement subtil de l’air, et il s’était demandé à quoi cela pouvait bien correspondre, quand enfin il avait compris qu’avait été ouverte la porte de communication entre la salle à manger et sa chambre à coucher. »