Le projet de cette BD est né d’un voyage en Azerbaïdjan : Gérard Depardieu s’y rend pour tourner un documentaire intitulé Retour au Caucase en hommage à Alexandre Dumas et Mathieu Sapin accepte de l’accompagner sur la demande de Dargaud. Ce projet va générer une première rencontre suivie de beaucoup d’autres collaborations, d’autres voyages, d’autres discussions (généralement à sens unique !) qui aboutiront à cette BD.
Gérard Depardieu est un personnage haut en couleurs, énorme, gros mangeur, très bavard, surprenant. Il peut aussi bien pousser une gueulante contre un serveur qu’il ne peut pas voir en peinture que se montrer très doux et attentionné envers un parfait inconnu. Jamais il ne refuse une photo ou un selfie, toujours sa porte est ouverte au sens propre comme au sens figuré, qu’il s’agisse de son grand appartement parisien que de son immense chambre d’hôtel à Moscou. Il a un vieux portable à touches qui sonne sans arrêt, c’est un homme impudique qui adore se promener torse nu. Son franc parler se manifeste souvent par une certaine vulgarité ou des coups de gueule qui peuvent s’estomper aussi vite qu’ils se sont déclenchés. Amateur d’art et de musique, il connaît toutes les célébrités et, surtout, il est connu dans le monde entier (ce serait la star française la plus célèbre). Quand il tourne, il déteste faire une prise plusieurs fois et ne quitte pas son oreillette dans laquelle on lui souffle son texte. Grande gueule, sans-gêne, si riche que l’argent n’a plus aucune valeur pour lui, il aime aussi le rustique, le simple, le terroir. A la fois agaçant et attachant, l’acteur affirme qu’il n’a pas l’intention de vivre au-delà de 74 ou 76 ans, vivre vieux ne l’intéresse pas, c’est pour cela qu’il ne fait pas de sport. Par contre, il a (presque) arrêté de boire de l’alcool. Les liens très forts avec la Russie de Poutine ainsi que sa velléité de s’exiler en Belgique (rien à voir avec l’argent, c’est parce que la France l’emmerde !) l’ont rendu parfois antipathique mais Depardieu s’en fout complètement.
La BD est réussie parce que le point de vue de l’auteur, Mathieu Sapin, nous donne l’impression d’être à côté de cet homme rugissant et bruyant (que d’onomatopées lui sont consacrées !). Intimidé, impressionné, minuscule par rapport au gros bonhomme, le dessinateur démystifie tout de même le monstre sacré du cinéma français. C’est la grenouille qui suit le bœuf, se fait parfois rabrouer, piquer son carnet de croquis, il doit subir les sautes d’humeur et les caprices de l’ogre… qu’il ne peut s’empêcher d’admirer. Le résultat, c’est une BD aussi énorme que le personnage, peut-être aussi complexe que lui, drôle, fantasque et imprévisible. Une belle lecture divertissante !
« Le cinéma, c’est un métier qui rend con. »