Marco, un type un peu simplet est enfermé dans un asile psychiatrique après avoir perdu la vue à la suite d’un accident. Sa sœur et son mec profitent de la fortune subite qu’il a acquise un peu par hasard. Entre moments présents - la volonté de Marco d’aller le plus souvent au bord du fleuve, les chassés-croisés avec les autres pensionnaires - et le passé - l’épouse de Marco, profiteuse elle aussi, la rencontre d’une propriétaire d’un chien sur roulettes qui lui lègue tout son héritage, Marco tient le rôle de la victime, du pion qu’on déplace sur un plateau de jeu.
Voilà une courte histoire aux phrases simples qui prend tout de suite aux tripes. La quatrième de couverture évoque un « humour désespéré » et je trouve que les mots conviennent à merveille. Il y a quelque chose de poétique dans le cruel et le sordide de la vie quotidienne de ce type. Un rapprochement avec une infirmière, cette passion pour l’eau (d’où le titre) rendent le bonhomme attachant et son entourage monstrueux. J’ai apprécié ce renversement des clichés, cet absurde intelligent qui propose une vision de la vie tout autre. Et décidément, j’aime beaucoup beaucoup le style de M. Garnier…
Il pleut depuis des jours et des jours, la crue du fleuve inonde le rdc de l’asile, patients et soignants sont relégués au premier étage où un bal s’improvise : « Seul le personnel soignant était inquiet. Lorsque les premiers accords de la toccata succédèrent à la chorale des anges, on entendit un énorme fracas en bas, des bris de verre et le ruissellement incontinent d’une monstrueuse chasse d’eau. Alors, Isabelle se leva, s’approcha de Marc, lui prit les mains et l’entraîna dans une valse lente autour de la table. A leur exemple, d’autre couples se formèrent, et un bal s‘improvisa tandis que le fleuve ivre de lui-même dévastait le rez-de-chaussée. Qu’avaient-ils à craindre de lui, tous ceux-là, n’étaient-ils pas d’insolubles énigmes ? »