Le 20 février 1933, vingt-quatre industriels se réunissent, ne vous y trompez pas, il ne s’agit pas de n’importe qui mais du « nirvana de l’industrie et de la finance. » D’un commun accord, ils décident de financer le régime nazi. Des noms qu’on voit et qu’on achète encore aujourd’hui : Krupp, Siemens, Opel, Telefunken, … Un bond dans le temps nous emporte au seuil de la Deuxième Guerre mondiale en nous expliquant que les Autrichiens étaient ravis de voir débarquer les Nazis en 1939. On découvre ainsi les coulisses de la guerre, les non-dits, les bruits de couloir, le ridicule des personnages, la face cachée de cette guerre effroyable. Tout ça sur le mode ironique.
J’ai rarement été aussi partagée pour une lecture. J’ai trouvé le premier chapitre brillantissime, cette arrivée des vingt-quatre m’a fait penser au vingt-et-trois résistants d’Aragon comme un négatif des tueries à venir. L’ironie est à couper au couteau et le jeu des apparences fonctionne à merveille. Le dîner chez Chamberlain où la nouvelle -« les troupes allemandes venaient d’entrer en Autriche » est annoncée - est théâtralisé de la même façon, c’est une grosse comédie qui a des résonnances tragiques, évidemment, quand on sait ce qui va suivre. Le reste du livre (et pourtant il est court, mais qu’il est court !) n’a été pour moi qu’un profond ennui. Je ne sais plus où j’ai entendu comparer Vuillard à Laurent Binet et je suis assez d’accord, il y a étalage de talent, démonstration de force et parade stylistique. Dans 14 juillet, Vuillard avait usé et abusé de l’énumération. Ici, son choix s’est porté sur l’anaphore sans négliger des répétitions en tout genre ou encore toute une série de mots compliqués (j’en ai découvert quelques-uns : l’imposte, l’immixtion, la palinodie…). Ô fans de l’énumération, ne vous inquiétez, il y en a tout de mêmes quelques-unes ! Quant au contenu, pour moi, il est insuffisant, ces petites touches d’histoire n’ont pas réussi à convaincre. Vuillard a aussi tendance à passer très vite d’un sujet à l’autre, d’une période à une autre. Vous l’aurez compris, cet auteur n’est sans doute pas pour moi malgré sa jolie plume, brillamment travaillée !
Dire si ce livre méritait ou non son prix Goncourt, non... mais j'ai mon opinion !
« Tout est si bien parti ! A neuf heures, on soulève la barrière des douaniers, et hop, on se trouve en Autriche ! Pas même besoin de violences ou de coups de tonnerre, non, ici, on est amoureux, on conquiert sans effort, doucement, avec le sourire. Les chars, les camions, l’artillerie lourde, tout le tralala, avancent lentement vers Vienne, pour la grande parade nuptiale. La mariée est consentante, ce n’est pas un viol, comme on l’a prétendu, c’est une noce. »
« Il faut se souvenir qu’à cet instant la Blitzkrieg n’est rien. Elle n'est qu'un embouteillage de panzers. Elle n'est qu'une gigantesque panne de moteur sur les nationales autrichiennes, elle n'est rien d'autre que la fureur des hommes, un mot venu plus tard comme un coup de poker. »