J’avais découvert l’auteur avec les fascinants Falsificateurs. Voici son dernier roman.
Walker a tout réussi : chef d’une entreprise de transports qui n’a fait que grandir et prospérer, il est un homme d’affaires à la fois coriace et généreux. Dans son ménage, c’est sa femme Sarah qui élève leurs trois enfants mais il n’est pas absent, il emmène l’un au cours de sport, aide l’autre à faire ses devoirs, partage avec l’aîné sa passion du cinéma. Bref, il est sur tous les fronts. A quarante ans passés, cette situation ne le satisfait plus. Il aimerait avoir du temps rien que pour lui, mais, à cause de son incapacité à déléguer, il ne connaît plus ni moments futiles, ni instants légers faits de loisirs et de choix personnels. L’achat d’une résidence secondaire au bord de la mer orchestré par son épouse sera peut-être la goutte d’eau : il ne veut pas se sédentariser pour les vacances, il a besoin d’espace, de « plus de temps pour lui, sans avoir de comptes à rendre. » Face à cette angoisse d’un « avenir tout tracé », l’idée de fuir émerge doucement dans son esprit et il s’y réfugie à chaque fois qu’il est à bout. Il achète un sac à dos et ça le calme, il se procure des manuels bourrés de conseils pour disparaître et ça lui fait du bien. Il va plus loin et s’achète un téléphone prépayé, un kit de survie, un ordi portable sécurisé… Jusqu’au moment où il décide de mettre ces rêves d’escapade en action. Il va crasher son petit avion dans les montagnes et sauter en parachute. Son plan a fonctionné, vu l’état de la carcasse du turboprop, le pilote est rapidement déclaré mort même si son cadavre demeure introuvable. Quant à Walker, il s’est blessé dans la chute, il a froid, il a faim mais il a réussi son pari, il est libre ! Evidemment, il doit se cacher quelque temps, ne pas être reconnu, de pas tenter d’avoir des nouvelles de sa famille, changer régulièrement de ville, d’apparence, oublier ses anciennes habitudes…
Si vous comptez lire le roman, arrêtez-vous ici ; je trouve que la quatrième de couverture en dit déjà un peu trop. Un détective nommé Shepherd s’empare de l’affaire et explique à la veuve qu’il doit être sûr que Walker est mort pour faire jouer les assurances. C’est un détective brillant qui reconnaît Walker sur les caméras de surveillance d’un supermarché. Une traque infernale commence mais nous avons affaire à deux hommes très intelligents et extrêmement rusés et ce duel les mènera loin sous l’œil de l’épouse qui sait que son homme n’est pas mort.
Avec ce thème romanesque par excellence et l’écriture fluide de Bello, cette lecture m’a procuré beaucoup beaucoup de plaisir ! J’ai dévoré le roman en deux jours et je regrette de ne pas avoir su prolonger ce régal ! Je trouve ce genre d’histoire extrêmement excitante et j’ai, je le répète, adoré lire cette fiction. Pourtant, des défauts, on peut en trouver en pagaille et j’avoue avoir été surprise de trouver un ton finalement si léger par rapport au roman Les Falsificateurs qui semblaient si bien documenté, tellement étoffé. Sans rien connaître de Bello, on pourrait même imaginer que L’homme qui s’envola est une œuvre de jeunesse, une sorte de brouillon maladroit de la série qui suivrait. Le roman est truffé d’incohérences et d’invraisemblances : Walker adore ses enfants mais il est prêt à les quitter pour toujours sans plus jamais avoir un seul contact avec eux. Les personnages sont souvent caricaturaux, la fin peu crédible. Et d’ailleurs, être richissime, adulte et intelligent et choisir une vie de quasi mendiant toujours traqué, est-ce crédible ? Et puis, est-ce si difficile de vivre dans l’anonymat le plus complet sans se faire repérer par un détective ? Là aussi, je doute. Quand Walker commet une erreur, c’est l’erreur la plus grossière, la plus visible, la plus flagrante. J’ose espérer que tous ces éléments faisaient partie des choix de l’auteur, d’offrir à un lectorat plus large, une lecture divertissante et attrayante. J’ai été bon public mais je m’en vais lire Les Eclaireurs, la suite des Falsificateurs pour me remplir un peu plus la panse…
« Bonne journée, très bonne journée même. Je crois n’avoir commis aucune erreur. Quitté ma tanière à 3 heures du matin. Elle ne me manquera pas. Les dernières nuits étaient glaciales, je n’aurais pas pu tenir beaucoup plus longtemps. Je suis arrivé à Las Vegas à l’aube. Attendu l’ouverture du Safeway où j’ai rempli mon caddie en un temps record, sans lever la tête. »