Si je vous dis que ce livre est encore un « cadeau » de la box que j’ai reçue, vous allez penser que j’ai été très gâtée, et vous aurez raison : 6 mois x 3 livres, ce n’est pas négligeable !
En Iran, dans les années 60, nous sommes invités dans la maison d’une famille plutôt aisée, à Abadan. Clarisse est la mère, celle qui cuisine, celle qui pomponne sa demeure et son jardin, celle qui s’occupe des jumelles espiègles et de l’aîné ado lunatique, celle qui fait en sorte que son ingénieur de mari ait une petite vie douillette et confortable, celle qui écoute les plaintes de sa petite sœur Alice qui n’est pas encore mariée et celle qui subit les remontrances de sa mère un peu envahissante. Le jour où de nouveaux voisins emménagent à côté, un imperceptible changement va se produire chez Clarisse et va ébranler son statut de maîtresse de maison parfaite. Certes, la petite des voisins, Emilie, est une vraie peste ; certes, sa grand-mère naine est une détestable bonne femme mais le père, Emile, dégage un charme raffiné, partage les goûts littéraires de Clarisse et s’approche doucettement de cette chère voisine qu’il semble si bien comprendre…
Encore une fois, j’ai lu un roman « d’ailleurs » vers lequel je ne serais sans doute pas allée spontanément et je ne le regrette absolument pas. Dans ce quartier arménien du Sud de l’Iran, on suit au plus près une famille qui, finalement, pourrait vivre en France. Entre chaleur torride et invasion de sauterelles, entre confection de feuilles de vignes farcies et collation au sirop de griottes, la voix de Clarisse nous parvient par le biais d’un monologue intérieur quasi omniprésent, qui n’est pas sans rappeler une certaine Mrs Dalloway. Point de scandale ni de rebondissement spectaculaire, le roman puise sa force dans la subtilité et la psychologie de l’héroïne à une époque et dans un pays où on se demande ce que les femmes feraient du droit de vote. Je ne suis pas loin d’avoir adoré ce roman issu d’un univers si paradoxal et tellement intéressant.
Ce roman est paru en 2001 en Iran et a obtenu quatre récompenses dont celle du meilleur livre de l’année.
« Je m’assis sur le perron pour admirer les massifs de fleurs de part et d’autre de l’allée. De chaque côté, c’était une profusion d’œillets, verveines, mufliers, delphiniums et pétunias qu’Agha Morteza avait plantés. Je regardai l’ombre que projetait le saule sur la balancelle en fer. »
L’invasion de sauterelles : « La pelouse, les arbres, la haie de buis, l’allée, tout était recouvert de poussière. Tout avait pris la couleur terre des sauterelles. Il me fallut un moment pour réaliser que ce n’était pas simplement la couleur mais les sauterelles elles-mêmes. Elles avaient tout envahi. J’en avais le tournis. »
Lorsque Clarisse essaie de défendre la cause des femmes : « Je lui servis du « nous les femmes, vous les hommes » pendant plusieurs minutes. Garnik m’écouta en silence. Le problème, c’est que mes paroles ne sonnaient pas très juste à mes propres oreilles. J’avais omis quelque chose. J’étais sûre que d’une certaine façon, j’avais raison. Mais en même temps, je ne savais pas comment l’exprimer pour que cela ne ressemble pas aux jérémiades d’une bonne femme qui s’est disputée avec son mari. »