Janvier 1944. Mila a été arrêtée et déportée au camp de concentration de Ravensbrück sous les lumières vives des projecteurs avec des aboiements et des hurlements en fond sonore. C’est un camp de femmes, un camp où on meurt de faim, de froid, de découragement, de fatigue. Mila n’a que vingt ans et elle est enceinte. Elle cache sa grossesse ce qui n’est pas très difficile puisqu’elle n’arrête plus de maigrir. Alors qu’elle voit mourir sa cousine Lisette qui l’avait accompagnée jusque là, elle accouche d’un bébé dans les conditions les plus atroces. Et découvre, par la même occasion, que son bébé n’est pas le seul du camp. Les maladies, nombreuses et variées déciment les êtres squelettiques et fantomatiques que sont devenues ces femmes mais aussi les bébés qui se transforment en petits vieillards au bout de quelques semaines. Entre la vie et la mort, c’est un pari futile avec elle-même qui maintiendra Mila en vie, mais ce sont aussi ses camarades de douleur qui l’aideront, surtout Teresa qui accepte d’emblée le rôle de sœur, de mère, d’amie, de protectrice. Elles dormiront lovées l’une contre l’autre toutes les nuits. Le temps se perd, les consciences s’épuisent, les cadavres se multiplient tout autour de Mila. Elle se bat, les femmes s’entraident, de petits actes de résistance les rendent plus fortes. Un jour, une lueur d’espoir prend force dans une ferme non loin de là. Et bientôt la fin d’un cauchemar qui, pourtant, marquera pour toujours Mila redevenue Suzanne Langlois, celle qui a encore le droit de vivre…
Ce texte si magnifique et si bouleversant se lit d’un seul souffle car il y a urgence : urgence de savoir Mila vivante et combative, urgence de la maintenir en vie, urgence de croire encore en la vie. L’écriture, dépouillée mais belle, est au service de cette course à la survie. Certaines images me resteront longtemps en mémoire : ce bébé qui naît et qu’on nettoie, tant bien que mal, avec un reste de café, une femme qui se précipite sur les barbelés électriques, le bébé qu’on se passe de sein en sein dans l’espoir de le nourrir rien que d’une goutte… Je crois qu’il n’existe pas un témoignage « de trop » quand il s’agit de déportation. Chaque histoire vaut la peine d’être racontée. Celle-ci est peut-être encore plus poignante que les autres car elle touche à la naissance, au regain qu’on essaye d’étouffer. Valentine Goby réussit à rendre compte des atrocités des camps avec une justesse et une authenticité frappantes.
Noukette a pensé qu’il était grandement temps pour moi de lire ce roman. Elle a bien raison, il est indispensable. Merci à toi, chère Noukette !
« Ne pas mourir avant la mort, se ternir debout dans l’intervalle mince entre le jour et la nuit, et personne ne sait quand elle viendra. Le travail d’humain est le même partout, à Paris, à Cracovie, à Tombouctou depuis la nuit des temps, et jusqu’à Ravensbrück. »
« Je t’ai dit, il n’y a pas de frontière entre le camp et le dehors. Tous les jours, tu fais ton choix : tu continues ou tu arrêtes. Tu vis, tu meurs. »
« La vie est une croyance. »