Paul Katrakilis a hérité d’ancêtres des plus étranges, réputés pour mettre fin à leurs jours : une mère qui a choisi de mourir étouffer par les gaz du pot d’échappement de la Triumph familiale, un oncle qui a jeté sa moto contre un mur, un grand-père qui’ s’est tiré une balle dans la tête. Pour fuir ce climat nuisible mais aussi l’indifférence de son père médecin, Paul s’est réfugié dans un sport qu’il adore, la pelote basque. L’aubaine pour lui, est d’avoir été recruté par un club de Miami et de vivre là-bas dans la quiétude et la douceur … jusqu’au jour où il apprend la mort de son père. Evidemment, il n’a pas manqué de se suicider, lui aussi ! Et d’une manière plus qu’originale : se jetant du 8ème étage d’un immeuble toulousain, il a pris le temps, auparavant de scotcher sa mâchoire et ses lunettes au visage. Plus agacé qu’ému, Paul est bien obligé de se rendre à Toulouse, dans la maison familiale, pour rendre un dernier hommage à celui qu’il appelle « le gisant aux adhésifs ». Ce déplacement a mis en péril son poste de joueur de chistera mais aussi le fragile bonheur simple qu’il s’était trouvé aux Etats-Unis. Après une brève histoire d’amour avec une femme bien plus âgée et un licenciement malheureux, notre trentenaire se voit contraint, pour pouvoir survivre, d’assurer la succession de son père, de reprendre son cabinet de médecine générale. Il le fait bien malgré lui, il n’a jamais aimé soigner des gens… jusqu’au jour où il découvre deux mystérieux carnets noirs qui vont l’aider à comprendre non seulement une partie de la personnalité de feu son père mais peut-être aussi le fil tragique qui lie ses aïeuls depuis si longtemps.
J’ai retrouvé avec grand plaisir la plume acérée de Jean-Paul Dubois que j’avais déjà pu apprécier avec Les Accommodements raisonnables et Vous plaisantez, M. Tanner. Alors que l’histoire démarre sur les chapeaux de roue avec des personnages loufoques dignes d’un John Irving, le roman plonge, petit à petit dans une mélancolie noire et révèle, avec une justesse assez désespérante, une des facettes de l’humanité. C’est confirmé, j’adore l’écriture de Dubois, ses tics (le personnage principal s’appelle toujours Paul, on nous balade souvent entre Toulouse et les Etats-Unis, …), son œil à la fois amusé, cruel et lucide sur une vie qui n’a, souvent, pas grand sens…
« Les Katrakilis et les Gallieni étaient des artistes. Ils savaient mourir à n’en plus finir. Crever à la manière de ces mauvais acteurs sollicitant les rappels. Mettre en scène leurs miasmes pour embosser les mémoires, les maintenir dans l’axe du malheur, les amarrer à la peine. »
Comme disait l’un de mes professeurs pour casser les reins de quelques internes pressés d’en découdre : « Nous ne sommes là que pour assurer une zone de moindre inconfort entre les griffes du forceps et celles de la broyeuse. »