Les avis sur ce roman ont pullulé sur la blogosphère, aussi nombreux qu’hétérogènes. J’ai laissé dormir le livre quelques semaines dans ma PAL avant de m’y attaquer.
Anibal vient d’hériter, mais de la manière la plus surprenante qui soit. Son père est mort deux ans auparavant mais il n’a pas assisté à son inhumation et n’a pas touché une miette de son héritage. Et voilà que maintenant, on le fait venir dans la maison familiale, là où son érudit de père a toujours écrit ses livres, là où l’historien a toujours gardé une distance ironique et froide envers son fils, là où le cruel « professeur » a toujours préféré sa sœur. C’est une agente immobilière, très jolie et très admirative de toute l’œuvre du père, qui lui ouvre les portes de la maison pour qu’il y récupère trois boîtes, trois mystérieuses boîtes qui contiennent des souvenirs qui surprennent Anibal et qui vont lui faire comprendre que son père n’a peut-être pas toujours été le tyran qu’il redoutait tant. Pourtant, les conditions qu’il a exigées pour que la maison et tous ses biens reviennent à son fils prouvent bien qu’il l’embarque dans un engrenage dangereux…
J’ai beaucoup aimé l’essentiel du livre, cette introspection et ces souvenirs liés à un passé douloureux (qui m’ont fait penser à plusieurs reprises à l’excellentissime Confiteor de Jaume Cabré), les personnages également, parfaitement dessinés, à commencer par Anibal dont la maladresse, le peu d’assurance, les pensées folles (dans tous sens du terme) le rendent tout de suite attachant. Par contre, j’ai parfois dû m’accrocher à la page comme un naufragé à son épave (et il est d’ailleurs question d’inondation, un passage épique !), certains passages m’ont déconcertée – l’inondation et la convalescence psychiatrique d’Anibal !, déstabilisée même. Heureusement, la fin est réussie et belle. Un roman initiatique qui est aussi une quête identitaire. L’écriture est superbe, intelligente, drôle, subtile et raffinée, je ne peux donc que vous recommander cette lecture !
On a dû tous le faire : imaginer ce que les autres étaient en train de penser ! Pour Anibal, c’est son occupation favorite, « fabuler la pensée d’autrui ».
Anibal trouve, dans une des boîtes, le costume de Romain qu’il avait porté, une fois, enfant. Il ne peut s’empêcher de penser que, si son père l’a gardé, c’est une preuve d’amour et de respect. Devant la jolie fille de l’agence immobilière, il veut faire bonne figure, pourtant : « Une de ces larmes, que je tentais de ravaler, allez savoir par quel usage inédit de la glande lacrymale, finit par se détacher de l’œil et par glisser sur ma joue pour venir se perdre dans ma barbe naissante. Comme je ne voulais pas porter mes mains au visage, l’autre œil laissa lui aussi échapper une larme, qui se traîna plus lentement en laissant une longue trace humide sur ma joue. J’aurais voulu être n’importe où sauf ici. »